A ARTMANDAT-BARJOLS, LA LUMIÈRE APPRIVOISÉE PAR LES ARTISTRES CHEMINE MALGRÉ TOUT À 299 792 458 m / s

C’est à Barjols, aux Perles, 19, rue Pierre Curie, jusqu’au 2 décembre pour cette quatrième version
C’est ouvert tous les jours sur rendez-vous au 06 72 79 97 54


La quatrième édition du « summershow * 2017 » dédié à la LUMIERE donne lieu à une exposition réunissant cinq artistes, les canadiens André Fournelle, Christiane Ainsley et John Francis, et les niçois Valérie Morraja et Jean-Louis Paquelin, en solo ou en binôme. Le jour du vernissage, en accompagnement du thème, deux diaporamas nous étaient proposés : une brillante conférence de Georges Olivari, Directeur de la Maison Régionale de l’eau, sur « L’eau et la lumière » dans laquelle il abordait les problèmes actuels environnementaux (http://mrepaca.com/), et une présentation par André Fournelle de son œuvre au Canada et en France.

Ce sont donc cinq artistes qui, à leur façon, ont exploré, utilisé, manipulé, conceptualisé la lumière pour en montrer finalement quelques aspects remarquables parmi tant d’autres, tant est infini ce thème de lumière sans laquelle il n’y aurait ni vie sur terre, ni artiste, ni spectateur … ni œuvre d’art….


  • Pour les œuvres réalisées en solo :

André Fournelle , artiste canadien de renommée internationale, invité en résidence par artmandat, nous proposait, peintes sur le sol, plusieurs formules tautologiques (ex. : fiat lux ) et, dans la grotte, une fascinante performance autour d’un carré bleu de pigments purs (référence à Klein, bien évidemment) : « in live » et dans le noir, il entourait ce carré d’un cadre de feu orange et bleu. Puis, après la traditionnelle et sympathique auberge barjolaise, il nous commentait le diaporama sur son impressionnant parcours de sculpteur de lumière. Son travail pluridisciplinaire, s’appuyant aussi bien sur la sculpture, l’architecture, l’installation que sur la performance, a toujours eu pour objectif de « concrétiser une pensée, une idée, un geste », et nous pouvons, ici, à Barjols, appréhender le sens humaniste, philosophique ou environnemental qu’il attribue à ses recherches plastiques. voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Fournelle

Valérie Morraja, dont nous avons déjà pu voir et apprécier le travail à Toulon (« Nuit noire », à la Galerie Porte Etroite), fait vibrer la lumière dans les caissons lumineux et tableaux photoluminescents et entretient savamment un certain mystère quant au processus de création de ses images spectrales, témoins d’un imaginaire protéiforme d’une grande sensibilité. Les titres donnés aux pièces, tels que « 1#, REC#PAUSE, Spectre  » sont bien significatives de l’esprit avec lequel elle les conçoit.
« Valérie Morraja n’est pas née en mai 68 derrière une barricade. Sa formation technique à l’Université de Nice et artistique à la Villa Arson lui permet de rompre les barrières entre les deux domaines. Elle joue de cette double compétence pour plier art et science selon un motif complexe et original. Valérie Morraja se qualifie d’artiste polymorphe [Se dit d’un virus qui change sa méthode de chiffrement à chaque cycle de reproduction, in Wikipédia (Programmation informatique)]. Elle s’adapte, change de méthode, manipule, mixe et emprunte des référents tout aussi bien à la culture populaire qu’à la culture scientifique ».

On retrouve dans les « œuvres au noir » de Christiane Ainsley son style, son geste, sa vivacité, sa spontanétité, même si le medium utilisé est aujourd’hui différent : il ne s’agit plus de peinture-matière mais de gel phosphorescent, pas de céramique ou de toile sur chassis, mais des miroirs ou des papiers, pas d’icône indestructible, tangible et visible au jour, mais des tableaux fugaces, fantomatiques qui, soumis à une lumière noire et à la rémanence de la matière phosphorescente, restent visibles dans le noir ; les titres donnés à ces oeuvres étranges, qui nous font peut-être sourire, nous « éclairent » sur ses humeurs profondes : « Je voudrais disparaître », « Moi aussi » « Ce n’est pas rien  », « Je te me cherche », etc…
Il n’est plus besoin de présenter ici Christiane Ainsley, rappelons seulement que cette artiste canadienne diplômée de l’Université du Québec, arts plastiques, a choisi il y a quinze ans d’installer son atelier dans une des tanneries de Barjols, et que c’est en grande partie sur son initiative que sont nés « artmandat » et le réseau d’artistes « C’est bien parti". Vous en saurez plus sur http://ainsley.christiane.free.fr/

Jean-Louis Paquelin, artiste et enseignant-chercheur, montre et démontre avec élégance que sciences et art ne s’opposent plus dans un oxymore du genre intuitif-calculé, mais au contraire peuvent se magnifier dans une œuvre où le programme du processus de construction d’une image se marie merveilleusement bien avec la sensibilité et l’intuition créative de l’artiste, et il nous offre une réponse claire à la question posée à travers ses œuvres : qui crée, qui est créé ? Ici, il nous présente « Blind-Bro », une pseudo-videosurveillance ( il n’y a pas de caméra, les images photographiques analogiques sont là pour nous tromper). Le dispositif pose la question des conséquences de la quasi omniprésence de la vidéosurveillance aujourd’hui et celle d’un possible remplacement d’une video par un vrai-faux montage…
« Jean-Louis Paquelin joue avec des techniques, des concepts, la répétition et les combinaisons aléatoires. Son travail propose au spectateur des installations qui interagissent avec le lieu et le contexte. Il adopte une démarche conceptuelle en concevant un programme et une technique particulière adaptée à chaque projet. Dans la tradition de Duchamp, Cage et Fluxus, il soumet ses œuvres aux lois du hasard et permet ainsi à la chance de générer des compositions ». Lien : http://www.tadlachance.com/2016/03/les-artistes-de-tadlachance-jean-louis-paquelin.html.

John Francis nous présente une remarquable et grande composition stellaire (Orion), faite de carreaux de céramique blanche brisés, recollés, troués. Les lignes, nées des cassures parfaitement maîtrisées, et qui relient les « étoiles » noires, figurent bien le morceau de ciel et ses constellations, telles qu’il a pu les observer un été. Nous sommes transportés frontalement dans un univers blanc, plein, opaque, dur, coupant, à deux dimensions, traversé par des lignes noires, et pourtant, nous savons immédiatement qu’il s’agit d’une représentation (en négatif ?) de constellations lumineuses. Autre oxymore…
Pour en savoir plus sur le travail de John, http://john.francis.art.free.fr/


  • Pour les œuvres réalisées en binômes :

Valérie Morraja et Jean-Louis Paquelin n’en sont pas à leur première collaboration : depuis «  Pasdedeux », exposition organisée par artmandat en 2016, ils privilégient le travail en commun. Aujourd’hui, ils nous présentent deux panneaux de LED de 16cmx16cm : «  Entropy », dans lequel le hasard génère un paysage mathématique rouge changeant à l’infini, et « It’s not a bug », dans lequel un programme de virus informatique, détourné de sa fonction première, devient le générateur choisi par les artistes pour former des lignes, elles aussi changeantes à l’infini.

Dans la grotte, si nous suivons dans le noir le long fil rouge lumineux intitulé « Vertex », nous pouvons visionner, projetée à même le rocher, leur vidéo intitulée « Light Waves ».

John Francis et Jean-Louis Paquelin forment le second binôme, alliant concept, physique et mathématiques avec savoir-faire, précision et plastique : une œuvre autoréférentielle et tautologique intitulée « Time Length » nous donne à « voir » le temps que met la lumière pour traverser l’œuvre elle-même (4 252 942 213 776 zeptosecondes pour traverser les 127,5 cm de carreaux de céramique). L’œuvre énonce donc elle-même, en sysème binaire, ses propres dimensions. Cette pièce est une sorte de modèle de l’art contemporain : on en perd une partie si on ne prête attention qu’à son aspect (minimal) et elle demande, pour être pleinement appréciée dans son concept une « lecture » non plus seulement au premier degré (sensible et intuitive), mais aussi au second degré (intellectuelle et raisonnée), et pourquoi pas au troisième degré si le spectateur avisé désire la prolonger dans son imaginaire. Une sorte de rébus en somme.


Je dirais que, franchement, cette captivante et spectacuaire exposition qui sort des sentiers battus et rebattus de la peinture ou de la photographie est, de par sa grande cohérence faite de diversités (autre oxymore), futuriste, anonciatrice d’une inévitable évolution de la création artistique vers le numérique, le technologique, le robotique. Elle s’inscrit vraiment dans le contemporain du futur...

Ne craignez surtout pas de vous immerger dans cette atmosphère novatrice où algorithme, physique, mathématique et technologie se mélangent avec art, créativité, émotion et sensation pour former une union plastique féconde, voire prolifique… A suivre...

Marie-Françoise Lequoy-Poiré


En italiques, des textes qui ne sont pas de ma main mais de celle des artistes ou des commissaires.

* traduction en français : exposition d’été, commençant à Barjols avec l’été, se terminant en hiver …preuve que l’été provençal dure toute l’année...


crédit photographique : MFLP courtesy les artistes et artmandat

Par ordre d’apparition :

  • "Nous sommes mangeurs de lumière", par G. Olivari
  • Projet pour Parthénon, par A. Fournelle
  • sur la mosaïque : Ainsley, Fournelle, Morraja, Morraja-Paquelin
  • Bleu Klein, performance de Fournelle
  • "Orion", de Francis
  • Morraja-Paquelin présentant son travail
  • "Entropy" de Morraja-Paquelin
  • "Time length" de Francis-Paquelin
  • Paquelin montrant l’envers de l’art...

Posté le 13 novembre 2017