A la Biennale de Venise, ah lala...

POUR VOIR LES TROIS PAGES SUR LA 51 ÈME BIENNALE DE VENISE, CLIQUEZ SUR LE PERSONNAGE YAQUOI EN HAUT À DROITE, ET, SUR LA PAGE D’ACCUEIL, DESCENDEZ L’ASCENSEUR : VOUS TROUVEREZ LES ICONES DES TROIS ARTICLES.
LA PAGE CI-DESSOUS CONCERNE LA 50 ÈME BIENNALE

Hirst

Imaginez un melting-pott d’installations utilisant tous les médias et suivant un parcours thématique très compliqué, plusieurs commissaires ou sous-commissaires, une dizaine de sous-thèmes englobés sous le thème "Rêves et conflits - la dictacture du spectateur ", parce qu’il en fallait bien un, une qualité plus qu’aléatoire, et vous aurez un aperçu de ce qu’est la Biennale 2003, tout du moins, selon ma perception... Bon, il est vrai qu’en matière de vidéo, installation, art et computer, il faudrait passer non pas deux ou trois jours, mais des mois entiers pour entrer dans la pensée de tous, et, même si chaque notice explique en une vingtaine de lignes le gros de la démarche de l’artiste, sa nationalité et son âge, il n’en reste pas moins qu’au bout, vous en avez plein la tête des lectures, plein le dos de vous asseoir par terre, et vous avez envie de dire : "assez ! j’ai déjà vu, bien avant, en beaucoup mieux,...". Et c’est là que le bât blesse, une impression de déjà-vu et exploré, une impression de plagiats fomentés par des étudiants en "beaux-arts", d’un plat sans consistance, fade et épuisé, ce qui me fait presque craindre que l’art de l’installation ou de la vidéo ait atteint ses limites, ou bien se répète et s’essouffle, ou encore se transforme en art du simple manifeste politique, souvent facile. Et le spectateur finit par se lasser du côté rabâchage, anecdotique ou événementiel, local ou global, banal, bien que voulant dénoncer l’angoisse de notre monde à venir. Et même certaines installations pipi-caca-prout ne suffisent pas à dérider notre spectateur, même les méga-formats ne l’étonnent plus, même les vidéo-morphing ne le figent plus. Il est saturé de prises de conscience, de remords aussi, notre spectateur. Mais il s’interroge quand même : s’agit-il d’un chaos, voire chahut, à l’image de notre monde ? d’une cherche d’identité ? ou bien d’un manque de maturité ? ou beaucoup plus simplement d’un mauvais choix des commissaires ?

Pavel Mirkus
Chen Shaoxiong

Les magnifiques locaux de l’Arsenal ne nous ont rien laissé dans la mémoire de bien solide, contrairement aux biennales précédentes - exception faite pour la vidéo robotique de Pavel Mirkus, pour celle, imaginaire, de Chen Shaoxiong présentant le sujet difficile de l’attentat des tours ou comment l’éviter, ou pour la vidéo poétique de Tadasu Takamine - . Et, pour parler français, et comme en 2001 et 1999, le pavillon français, investi cette année par Bustamante, ne laissera lui aussi que peu de traces dans ma mémoire, puisqu’il m’invitait à lire entre les lignes, et que je n’ai rien trouvé ou bien que je n’ai pas eu envie de chercher. Elégant mais trop intellectuel. Même Wim Delvoye, Fischli et Weiss, Louise Bourgeois ou Agnès Varda nous avaient habitués à plus de punch dans leur création..

Michall Rovner
Patricia Piccinini

Mais, et le mais souligne la partie remarquable, lisible immédiatement, forte de sens, en contraste avec la médiocrité du reste, cette biennale vaut certainement le déplacement : dans les pavillons des Giardini, l’Israélien Michall Rovner nous présente une saisissante mise en scène de l’humanité comparée à un bouillon de culture de petites bestioles ; l’australienne Patricia Piccinini nous offre des sculptures fantastiques, critiques et peut-être visionnaires ; l’Autrichien Kazper König d’incroyables sculptures baroques ou surréalistes ; l’Etats-Unisien Fred Wilson nous met en scène l’iconographie, la culture et le savoir-faire merveilleux vénitiens ; le sculpteur Italo-Kenyen Armando Tanzini, utilisant des matériaux vieillis par le temps, présente de saisissantes sculptures à la fois totémiques, premières et académiques.

Kazper König
Fred Wilson
Armando Tanzini

Côté peinture - et elle reprend là toute sa signification et sa vitalité - très peu d’oeuvres, mais de qualité et du nouveau : l’anglais Glenn Brown, le polonais Piotr Janas, le turc Hakan Gürsoytrack, Dana Schutz, Van Piesses ou Jorge Queiroz, Clifford Charles, Opalka (enfin consacré par Venise), le coréen Swie-Hian Tan, tous me font dire que la peinture a toujours quelque chose à dire, et de là viendrait peut-être ce qu’on peut nommer la dictacture du spectateur qui en demande et en redemande... Il suffit de regarder les visiteurs s’attarder longuement devant les toiles ou les sculptures...

Glenn Brown
Piotr Janas

Et puis, et puis, il y a toute la biennale off, inépuisable, qui investit les lieux les plus inhabituels des vieux palais, et qui offre de grandes surprises. Je n’ai pas eu le temps de tout explorer, loin s’en faut, mais j’étais subjuguée par la peinture de Marlène Dumas présentée à la Fondazione Bevilacque la Masa , par les œuvres remarquables de la " Nouvelle scène artistique italienne" exposées par "Italian Factory" ( les peintres Bazan, Garau Pignatelli ou Velasco, l’installation De Paris-Mazza, etc...), l’installation-sculpture taxidermique de l’Ukrainien Oleg Kulik au sein de Absolut Generations, absolut à voir ; l’installation fantomatique de Makoto, japonais vivant à Milan. La qualité du "off", libre de tout académisme conventionnel actuel, contredit totalement le choix institutionnel des commissaires de l’"in"...et ça fait du bien de savoir que l’art n’a pas forcément besoin de la reconnaissance officielle pour exister.

Dumas
Bazan

Et puis, il y a le musée Correr qui offre une sélection intéressante de ce qu’est et a été la peinture depuis Rauschenberg jusqu’à Murakami. Vous n’en verrez pas d’images puisque j’ai eu de sombres démêlés à ce sujet avec les contrôleurs, jaloux de leur copy-right, démêlés qui ont failli me conduire au poste de police....merci pour l’accueil.

Oleg Kulik

Et puis, et puis il y a Venise avec son éternel charme et toute son histoire artistique visible à chaque coin de rue ou d’église, ses valeurs sures (le Beau, le Signifiant, le Pérenne ) qui remettent les idées en place...

Et pour finir et pour faire bref, je dirais que cette Biennale, la cinquantième, qui s’appelle " La dictature du spectateur" aurait vraiment dû s’appeler "La dictature de l’establishment et des commissaires". Très formateur, il me semble, sur les pièges dans lesquels peuvent tomber les artistes et les dénommés "commissaires". En tous cas, le spectateur ne se trompe pas, lui.

Posté le 26 juillet 2003

Jusqu’en novembre, billets groupés donnant accès à toute la Biennale, entrée gratuite pour les manifestations off. Enorme catalogue, prendre une valise à roulettes. Catalogue de "Absolut Generations" gratuit - Brochures diverses -

Voir aussi l’article sur la Biennale 2001

Si vous allez en train, sachez (car on ne vous le dira pas), que le train est remplacé par des cars entre Nice et Vintimille et que le chargement des passagers dans les cars se fait dans une panique totale et l’écrasement, et comme dab, bravo à la SNCF pour son inorganisation et sa tendance à prendre ses clients pour du bétail...