Au fait, c’est quoi la Couleur ?

Forme et couleur, ces deux inséparables construites par notre cerveau nous permettent de percevoir notre monde comme tridimensionnel et coloré. Les Grecs appelaient le phénomène perception de la couleur : chroma [1]. Depuis toujours, l’homme a tenté de comprendre le fonctionnement de ce phénomène, de le maîtriser - y parviendra-t-il ?

Il y a le phénomène énergétique, ondulatoire, quantifiable, exprimable en longueurs d’ondes, en nombres, ils y sont tous allés de leurs théories [2], de leurs diagrammes en deux ou trois dimensions.... Aujourd’hui, grâce aux avancées des méthodes d’analyse et de calcul, et pour répondre avec un maximum de précision aux besoins des entreprises, la colométrie est mise en algorithmes par les grands logiciels informatiques. Chaque couleur pourrait théoriquement être définie par de simples nombres [3]. La couleur comme Science.

diagramme de Della Porta
1593, sans doute le premier
"Espace chromatique à 12 plans de teintes"
diagramme de Bernard Caillaud, 1980

Il y a la couleur-phénomène biologique perçu par l’oeil humain. Chacun a sa propre perception de la couleur. Tout dépend des cellules qui tapissent le fond de notre oeil, de leur sensibilité, de la transmission à notre cerveau, des réponses données par celui-ci. L’excitation des cellules par des couleurs contrastées (rouge et vert, par exemple) entraîne des vibrations, l’oeil recherche l’équilibre et recompose d’autres couleurs. On parle de mélange optique, de rémanence optique, de contraste simultané. De même, un phénomène oculaire étrange affecte notre vision : le bleu recule, le rouge avance. La couleur comme Sensation.

Il y la couleur-phénomène sensoriel et émotionnel qui agit directement sur la psychologie humaine, au même titre qu’une musique, un son, un toucher. On sait que le rouge a tendance à exciter, dynamiser, le bleu à calmer, certaines couleurs à déprimer. La couleur comme Emotion.

Il y a la couleur conventionnelle, porteuse de symboles sociaux-culturels. Chez nous, le blanc serait le symbole de royauté ou signe de pureté, le noir de deuil, le bleu de république, le rouge de sang et de révolution, le vert d’espoir, le jaune, le rose, vous savez ?les

drapeaux, les blasons sont symboles colorés. Au début du siècle, Kandinsky, puis Itten élaboraient une théorie d’une symbolique archétypique des couleurs associée aux formes : le carré, symbole de la matière au repos, serait rouge, le triangle, rayonnant et symbolisant la pensée serait jaune, le cercle, image d’un esprit éternellement en mouvement. serait bleu. La couleur comme Symbole.

Il y la couleur-matière : pigments naturels ou chimiques pour le peintre, rayons lumineux, lasers, luminophores de l’écran de l’ordinateur pour l’éclairagiste, l’informaticien, l’infographiste. Ces couleurs peuvent se mélanger et donner naissance à d’autres couleurs, et, au maximum, au blanc (mélange additif de rayons colorés) ou au noir (mélange soustractif de pigments) . La couleur comme Matière.

Il y a la couleur de l’artiste, la "palette". Le peintre est avant tout coloriste, même si sa connaissance de la couleur n’est pas du domaine de la physique, mais ressort avant tout des domaines du symbolisme, de l’expérimentation sensorielle et d’une appréhension existientielle ou mystique de notre univers. L’artiste se sert de sa palette comme d’un outil pour communiquer sa "nécessité intérieure", pour reprendre une locution de Kandinsky. La couleur comme Medium.

Et puis j’ai simplifié au maximum [4], et puis le champ d’application de la couleur est immense, les tout premiers artistes l’ont vite compris, qui exploraient les pigments offerts par la terre, les végétaux et les animaux. La couleur comme Art.

[1ce terme a été repris par Munsell pour désigner la saturation, "qualité de la couleur par laquelle nous distinguons une couleur forte d’une couleur faible" puis pour désigner "le niveau de coloration d’une surface, évaluée relativement à la luminosité d’un objet blanc éclairé de façon similaire".

[2par Della Porta 1593, Newon, 1660, Goethe, 1793, Chevreul, 1889, Maxwell, 1872, Klee,1924, Munsell 1905, plus récemment, la CIE (Commission internationale de l’Eclairage), Gerritsen 1975, Caillaud, 1980.

[3ex cyan 6, magenta95, yellow9, k 6, désignera un certain rouge Photoshop sur un écran donné ; une simple formule chimique désignera le bleu Klein, aussi nommé IKB ; de très nombreux systèmes de définition sont nés, en particulier le système CIE lab créé en 1976, largement utilisé, bien qu’encore imparfait. On attend la suite....

[4Si vous désirez en savoir plus, www.yaquoi.com met à votre disposition une importante bibliographie établie par Bernard Caillaud sur le thème de la couleur - écrire à mf@yaquoi.com
Vous trouverez également une intéressante bibliographie et un inventaire des sites internet sur le sujet dans le chapitre "Couleur et computer" dans "La Création Numérique Visuelle - Aspects du Computer Art depuis ses origines" de Bernard Caillaud, 2001, éditions Europia, en vente dans les Fnac, ainsi que dans "Couleur et Aléatoire", 1988, édition Paradigme

Posté le 6 octobre 2002