Exposition Jacques Guyomar

entrée libre

Un monde d’ordures
À la recherche de matériaux et de supports sortant de l’ordinaire, Jacques Guyomar propose, à La Seyne-sur-Mer, un travail sur les films plastiques qui servent à emballer les ordures ménagères ainsi que sur les déchets de la vie courante (papiers, emballages divers…), exposition qu’il intitule "L’architecture du rebut". L’artiste est attiré par le graphisme des matières, les univers en décomposition (ou à l’abandon) et les traces du passé, une motivation pour partir à la recherche des empreintes que l’homme laisse dans la nature. Le film plastique qui constitue les sacs "poubelles" s’identifie au travers de Polyane®, une marque de matériau souple et résistant. Polyane® désigne également de façon générique, sur un chantier, les films plastiques de quelques centaines de microns d’épaisseur. Ce travail est donc une rencontre avec ce matériau protéiforme, malléable, étirable, accrocheur de lumières, qui révèle et qui cache à la fois, qui réfléchit les couleurs tout en laissant percevoir une transparence. De plus, l’usage des déchets emballés dans des films plastiques permet une auscultation d’un quotidien toujours renouvelé et toujours différent. À ce propos, l’artiste a réalisé des séries de prises de vue de ses sacs poubelles. Ce travail est aussi une façon de radiographier les emballages qui contiennent des matières plus intéressantes que ce qu’ils masquent. Enfin, filtrée par cet emballage, la lumière transforme l’amas rebutant en cartographie imaginaire.
Cet univers, a priori repoussant, laisse donc apercevoir une poésie que l’on ne pouvait qu’ignorer au premier abord. C’est là une des capacités de l’artiste de transformer notre regard sur le monde… Quel que soit le monde !

Même si cette démarche n’est en rien fondée sur une notion d’écologie et de développement durable, le travail qui en résulte peut cependant servir d’illustration pédagogique en direction du jeune public. Ainsi, des ateliers graphiques avec des Polyanes®, des références aux travaux du peintre Pierre Soulages, des études des "couleurs du noir", etc. peuvent être une base de réflexion, au même titre que la problématique contemporaine liée au tri, à la gestion des déchets, à la pollution qu’engendrent les plastiques, etc. L’artiste n’est pas inconnu au fort Napoléon puisqu’il a déjà montré il y a quelques années ses oeuvres peintes sur un support original, d’anciennes voiles de bateaux retravaillées à l’aide de peintures et de goudrons. L’homme qui avait vécu plus de dix ans sur un bateau pour faire le plein de bleu venait de pénétrer le monde de l’art contemporain. Depuis, les propositions se sont succédé au rythme rassurant du cabotage avec un renouvellement d’idées qui force l’admiration dont ce projet autour du rebut n’est pas le moindre. Entre vrai génie de la trouvaille et fausse escroquerie, le travail de cet arpenteur de nuages sonne le retour en terre, sorte d’allégorie de la mort qui par le jeu de la récupération se met au service des vivants.
Jean-Christophe Vila

Posté le 6 octobre 2012