Il ne s’agit pas pour la poète allemande Eva-Maria Berg d’illustrer le travail du plasticien seynois Jean-Christophe Molinéris, et vice-versa, non , il s’agit de donner à voir et à entendre simultanément, dans un même lieu, la rencontre de deux oeuvres déjà existantes et exprimant la même perception à fleur de peau d’un monde "trash", cruel et angoissant, chaotique et catastrophique, laissant peu ou pas de place à l’espoir. Sur fonds bruns et noirs, sombres, les indices déchirés, brutalisés, des événements qui ponctuent l’histoire sombre de notre monde et, en résonance, les hiatus des mots, les syncopes des rythmes, le choc du sens. Le soir du vernissage, Eva-Maria Berg lisait des extraits de sa poésie face aux collages, peintures et installations de Jean-Christophe Molinéris. Et le livre publié contient, en parallèle, les oeuvres de JCM et la poésie, en allemand et en français, d’EVB. Les deux oeuvres se téléscopent, s’amplifient mutuellement. Leur message nous secoue, leur engagement total nous engage aussi, malgré nous.
"Tu t’élances - avec ton vélo sur les - effluves de printemps - le deuil s’enfonce - dans les bagages nulle place - sinon pour la chanson - d’un arbre- en joie - plus jamais mention - de notes et - de musique l’oreille - te retentit si amplement - de chaque maison - un autre son - emplit le timbre - avant de sonner - tu renverses - le guidon dans le grillage - se profile - le dessin - tu aperçois - des yeux - entre le feuillage l’espace - qui jette un pont - entre les voix"
"si la nuit il traverse la frontièreil joue l’arbre qui remue dans le ventflotte dans la rivière un troncentraîné par le courantsi de jour il a le billetil joue le voyageur dans le traintête baissée sur le journal localprend place dans le wagon- restaurantet prétexte la faims’il n’est par l’arbrequi se meut dans l’obscurités’il ne figure plus le voyageuren route entre les paysil est ce qu’il est en réalitéabgeschoben ausgeschafft expulséun fugitif incapable de fuir"
Jean-Christophe Molinéris devant "Art martial et souffle de vie"
Eva-Maria Berg, née à Düsseldorf, publie de la poésie et de la prose dans des revues littéraires. Jean-Christophe Molinéris, né à La Seyne sur mer, expose depuis 1992 ("white trash painting", Villa Tamaris, 2000), il séjourne régulièrement à Berlin. Patricia Fiebig, traductrice des poèmes, enseigne le français en Allemagne.