La Biennale Di Vénézia

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Vous ne parlez pas l’italien, pas l’anglais ? cela ne fait rien, pensez-vous : pour savourer ou détester l’art contemporain, il n’est pas besoin de comprendre les langues. Eh bien détrompez-vous : les très nombreuses vidéos sont en anglais, les textes d’explication des installations, souvent inévitables tellement l’ésotérisme est de rigueur en matière d’art contemporain, sont en italien et en anglais, les catalogues sont en italien ou en anglais, les hôtesses parlent l’italien ou l’anglais, un peu le français. Sachez aussi qu’un plat de raviolis coûte de 50 à100 francs, couvert, boisson et service non compris, et que, pour arriver à Venise, il faut subir obligatoirement les dysfonctionnements chroniques de la S.N.C.F...si vous prenez le train.
Si, malgré tout cela, vous êtes, comme moi, amoureux (se) de Venise et de l’Art Contemporain, alors n’hésitez pas, la Biennale de Venise, c’est quelque chose qui rythme la vie artistique, tout comme la Documenta de Kassel, la FIAC de Paris ou la Foire de Bâle...Et Venise reste Venise, contre vents et marées...

La Biennale 2001 est une biennale d’un cru moyen, il y a du vraiment bon, du vraiment inexistant, mais, pour quelqu’un qui a l’habitude de toutes ces manifestations, il y a peu de vraiment surprenant, de vraiment nouveau qui vous prenne aux tripes, non, rien de bien tranchant par rapport à la biennale 1999.

Si vous disposez de peu de temps, allez directement à l’Arsenal, non seulement le lieu est magnifique, et on aime s’y promener (mais surtout ne pas y manger), mais aussi, les oeuvres sélectionnées par l’excellent et visionnaire commissaire Harald Szeemann sont pour la plupart impressionnantes et jouent le jeu du thème du "plateau de l’humanité".
De l’Anglais Ron Mueck "boy", un adolescent accroupi, de 5 mètres de haut, qui vous scrute d’un regard réservé, voire inquiet, vous rendra vous-même perplexe, voire inquiet. Les sculptures monumentales de Richard Serra prennent dans ce lieu toute leur force, l’installation de Maurizio Cattelan qui nous montre notre bon vieux Pape renversé par un météorite est là pour vous interroger sur le monde et sa suite. Massimo Vitali, vous l’avez déjà vu à Toulon, nous n’en dirons pas plus. Les immenses photographies couleur (1m x 1m) de groupes en tous genres, du finlandais Tuomo Manninen, vous laisseront pantois(e). Dans un tout autre registre, les photographies du guatémaltèque Luis Gonzalez Palma sont d’une force et d’une beauté à couper le souffle, quelques vidéos-choc vous retourneront l’estomac, telle celle de Chris Cunningham, où amour et violence se côtoient dans une éjaculation cosmique. A côté de ces oeuvres, les peintures de Richter ou les granits de Beuys, les pattes de mouche de traces de peinture de Toroni vous paraîtront usés...banals, inexistants.

S’il vous reste encore du temps, continuez par les palais qui abritent nombre de petits pays, vous aurez au moins la joie de découvrir les palais vénitiens dans toute leur splendeur et leur fragilité . Nous vous conseillons fortement les palais ou églises qui abritent Taiwan, Hong-Kong, Nouvelle Zélande, Arménie, Lettonie et Croatie (Julije Knifer, que nous avons déjà vu au Château de Mouans Sartoux), Africa in and out of Africa, ces "nouveaux" pays qui n’ont pas leur pavillon aux Giardini, vous réservent de belles surprises, ainsi que les expositions en marge telles que "la trahison des images".

Si vous disposez encore de quelques heures, finissez par les grands pavillons des Giardini, mais ne perdez pas votre temps à faire la queue devant le pavillon allemand (Gregor Schneider, qui est lauréat de la biennale 2001), français, des pays nordiques ou le pavillon des USA (Robert Gober), où le minimalisme, le duchampisme et le nombrilisme sont à la limite du supportable et du j’menfoutisme. Si, malgré tout, votre chauvinisme porte vos pas vers l’installation de Pierre Huygue, sachez que, contrairement à ce qui se passe dans tous les autres pavillons, l’artiste français n’a daigné donner aucune explication sur son oeuvre, ni sur le stand du pavillon, ni sur le site internet de la biennale, et il vous faudra donc avaler l’article ennuyeux d’Art Press pour essayer d’en comprendre la quintessence élitiste, sans doute téléguidée par nos institutions (le Consortium de Dijon)... Si vous êtes comme moi et que vous en avez assez de vous torturer les méninges devant...pas grand chose, passez et gardez ce précieux temps pour les pavillons de l’Italie, du Canada (Janet Cardiff), de la Yougoslavie (Oleg Kulik), de la Corée (Do Ho Suh), du Japon, ou de la Russie ( où des formes voilées noires, comme tout droit sorties d’une vidéo de Shirin Neshat, se prosternent dans un balancement aléatoire et obsédant, et nous évoquent sans conteste la machinerie infernale des intégrismes). Et si vous trouvez que certaines oeuvres ou installations sont violentes, faites un petit tour dans les musées, les églises ou à la Ca’Rezzonico, vous y verrez têtes coupées, poignards sanglants, martyres et enlèvements en tous ordres de tous les immenses peintres italiens, qui, eux, ont passé les siècles, vous y verrez également tant de chefs d’oeuvre apaisants...

Et, enfin, si vous disposez encore de quelques heures, vous pourrez vous attarder dans tous les palais que je n’ai pas pu mentionner, car, il faut bien vous l’avouer, en trois jours, je n’ai pas tout vu...

Les billets d’entrée, (25 000 lires), assortis d’un plan un peu succinct, sont en vente à l’arsenal et aux giardini. Les palais indépendants sont, quant à eux, gratuits avec le billet biennale. La biennale est ouverte jusqu’au 4 novembre, de 10h à 18h, sauf le lundi. . Une somptueuse librairie est installée dans les giardini.

Posté le 18 juillet 2001