Peintures de Régine Coulomb

De la force vitale et mouvementée à l’harmonie construite et pensée.

Période bleue, période brune, période verte. Les différentes tranches de vie de Régine Coulomb se traduisent d’abord en couleurs. En formes et en rythmes, ensuite. Et il n’y a pas de retour possible vers une période précédente, l’oeuvre picturale s’écoule comme un long fleuve plus ou moins agité, jamais elle ne revient et remonte sur elle-même, elle suit le cours de sa vie, linéaire, elle en est l’expression, elle en fait partie.

La période actuelle est verte, de ces verts kaki, un peu grisés, un peu bleutés, entre olive et tilleul, un peu mats, un peu sourds, un peu troubles et un peu transparents, entre ciel et mer, un peu ceci-cela, mais pas trop. De ces verts de gris universels, dont on se sert pour camoufler, masquer, fondre. Mais que masquer, que fondre ? ce qui a précédé, le temps écoulé.

La couleur est appliquée au couteau, en larges touches, en épaisses tranches qui laissent voir, deviner ce qui se passe en dessous. La toile est recouverte par touches successives, parfois la nouvelle couche ne recouvre pas le fond, mince, dilué, lui, et le passé est dévoilé, un rouge vif, un orange, une couleur chaude, souvent, un morceau de la première intention, de la première émotion, de la première sensation. Vite retenue. Vite voilée par la seconde. Vite recouverte par la troisième, faite de volonté et de résolution, Par le truchement du siccatif, les couleurs ne se fondent pas en un magma, elles se superposent et laissent la transparence évoquer, suggérer l’avant. Les bords de la touche sont visibles, nets, ils bordent cet entre-deux qui se met à vibrer et qui fait vivre la toile. Rupture entre passé et présent, entre subi et choisi, entre genèse et construction. Cet entre-deux si cher à Rothko, de Staël ou Scully, ces peintres entièrement peintres.

De même pour la forme. Partie d’une image réelle, d’un choix purement sensitif, subjectif, arbitraire, l’artiste petit-à-petit, laborieusement, construit et reconstruit autour de cette réalité une abstraction porteuse de sa propre histoire, faite d’élans et de repos. La forme naturelle est peu à peu masquée, cachée, le sujet premier n’était que catalyseur, il s’efface au profit des suggestions successives et constructions empilables qu’il a engendrées. L’oeuvre se construit devant nous, au gré de l’expression de la vie de l’artiste, tout en laissant voir les repentirs, les oublis. Du genre : "je ne veux pas montrer, mais je veux qu’on voie..."

Une force émotionnelle se dégage de la peinture pourtant soumise à une pression qui la comprime de plus en plus. De plus en plus : l’artiste dans ses dernières toiles couvre et construit de plus en plus, laisse de moins en moins de place au passé, à la trace, à la strate. Les plages deviennent aplats, les formes tendent vers le carré ou le multiple du carré, l’oblique fait place aux seules verticales et horizontales, la transparence à l’opacité et la saturation, l’engagement à la neutralité, la peinture est là, autonome, vivant pour elle-même et pour la couleur. L’assemblage de ces rectangles ou carrés conduit subrepticement à l’abstraction, nous fait penser à la démarche d’un Mondrian qui, de la nature, tirait l’Essentiel avec un grand E pour arriver enfin à une totale harmonie.

Entre l’expressionnisme lyrique des toiles des périodes précédentes et l’abstraction géométrique de la dernière toile verte, la peinture de R.C s’est frayé son chemin.. L’éclipse de l’émotion se fait presque totale, l’artiste nous laisse comprendre qu’il n’y a plus rien à masquer, que l’unité de temps et de lieu naît devant nos yeux, la composition se fait de moins en moins subjective, se concentre sur sa propre réalité, raconte sa propre histoire, son propre équilibre.

La construction apaisée prend aujourd’hui le dessus, le passé, le vécu ne lui survivent pas. Qui peut prédire vraiment de quoi sera faite la prochaine période. Sera-t-elle suprématiste, carré vert sur fond vert ? ou minimaliste, couleur pure ? ou toute autre ? Nul ne peut le prédire, pas même l’artiste qui, dominant aujourd’hui la peinture, ne sait pas si l’aléa de la sensibilité ne prendra pas demain sa revanche...La rupture n’est-elle pas signe de vitalité ?

Posté le 23 février 2002

Exposition @@@
Accrochage @@@@ : très beau lieu munnicipal que nous avons eu le plaisir de découvrir

Photo : Sans titre, huile sur toile, 1m * 1m

Hôtel de Ville du Pradet
Parc Cravero
04 94 08 69 48