Rendez-vous annuel des Jeunes Plasticiens, à La Garde

photographie de Thierry Dardanello

Il n’est jamais facile de parler d’une exposition qui regroupe un grand nombre d’artistes, (quarante trois) et encore moins de trier et de classer des oeuvres en vue d’une récompense (quatre prix, six nominations). La notion d’art est trop vaste, trop personnelle, pour pouvoir donner lieu à un jugement objectif. Mais, bon, comme chaque année, un jury choisi par l’association Elstir s’est prêtée à ce jeu, avec, comme alibi, l’encouragement des talents naissants.

L oeuvre au blanc
installation salée de Marie-Eve Boyer

Comme chaque année depuis 19 ans (déjà !), Elstir organise un concours destiné aux jeunes plasticiens (seul critère retenu : avoir moins de dix années de pratique). Ils furent 93 candidats de tous horizons à répondre à l’appel et à déposer un dossier. Quarante-trois d’entre eux ont été sélectionnés pour participer à l’exposition annuelle et aux quatre concours. Résultat : une exposition de haute tenue, des oeuvres de qualité, installations, sculptures, vidéos, photographies, peintures. Notons au passage que, cette année, les pratiques de la photographie et de l’ installation ont eu la faveur des jeunes artistes, nous nous en réjouissons. Le thème du temps qui passe et laisse sa marque, le thème de l’écologie et du devenir de notre environnement étaient cette année des thèmes récurrents.

Le jury, composé de personnalités de l’art contemporain, était présidé par le directeur du Centre International d’Art Contemporain de Carros, Frédéric Altmann. Malgré la difficulté de la tâche devant une telle variété de pratiques artistiques, un consensus autour des lauréats et nominés s’est assez vite dégagé. Les critères retenus ont été le pouvoir de créativité et de style personnel, la qualité technique et la lisibilité du sens (efficacité). Et, évidemment, le légitime coup de coeur, explicable ou non.

Le prix Passerelle (organisation d’une grande exposition personnelle) décerné par Elstir a été attribué au niçois Thierry Dardanello pour ses trois oeuvres photographiques auxquelles le temps découpé et recomposé par assemblage donne une grande force, une efficacité de sens mythologique ou mystique et, paradoxalement, évoque l’atmosphère d’un quotidien familial. Du mythologique au quotidien.

sculptures de Nicolas Lecoq

Le prix Louise Baron, également décerné par Elstir, a récompensé le marseillais Nicolas Lecoq pour une esthétique création sculpturale, dans laquelle miroirs, lumières, signes et objets se répondent et se prolongent par la grande pureté des formes et des matières. La matière au service d’une réflexion cosmique.

Le prix du Conseil Général ( 760 euros) a été décerné à la photographe-plasticienne Cécile Viggiano pour ses images photographiques grand format en noir et blanc qui sont d’une réelle force symbolique et d’une grande beauté plastique.

photographies de Cécile Viggiano

Le prix Artimômes (460 euros), décerné par les enfants des ateliers des écoles, a été attribué au Varois Renaud Buvry pour ses peintures vivantes et colorées.

dessins de Marie-Agnès Charpin

Les six artistes suivants ont été nominés : Laetitia Carlotti, pour un très bon travail vidéographique et photographique sur un thème écologique ; Marie-Agnès Charpin pour ses dessins conceptuels de toute beauté où le temps s’écoule lentement à travers un graphisme simple, continu et répétitif, dessiné avec patience et amour ; Nicolas Dubreuil, pour trois portraits photographiques noir et blanc saisissants par leur force ; Mikaël Kerboas pour trois grandes peintures-portraits remplis de décalages graphiques étranges ; Jérémy Laffon pour une installation autour du thème angoissant de l’homme devenu le prédateur de son univers, Lucile Travert pour ses oniriques peintures-palimpsestes où figuration et écritures entremêlées suggèrent plus qu’imposent.

peinture de Nicolas Pilard

Suivant nos penchants, nous aurions aimé nominer d’autres artistes, malheureusement, le "quota administratif" était atteint. (Ces nominés seront sollicités pour participer à une exposition de groupe au cours de l’année). Quant à moi, j’aurais eu envie de citer aussi Nicolas Pilard pour ses grandes peintures traitées à bases de glacis et de transparences, envahies et évocatrices ; Roger Winum pour son installation qui, évoquant le triste destin des moutons, ne peut nous laisser indifférents, Florence Guillemot pour ses boîtes de conserve conceptuelles et métalliques qui nous suggérent par petites touches les diverses facettes de la banalité d’un quotidien pas si banal que ça. Et il est certain que d’autres artistes auront touché au plus profond d’eux-mêmes d’autres spectateurs...Mais il m’est impossible de les citer tous ici. L’avenir de tous ces jeunes plasticiens est prometteur. Si certains vivent leur première confrontation avec le regard du public, d’autres, par contre, ont déjà montré leur travail dans des galeries ou des centres d’art. En tout cas, souhaitons que cette manifestation soit le tremplin pour un saut durable dans la vie d’artiste.

Et le vernissage, très chaleureux, réunissait autour des plasticiens un puplic venu en nombre, le Maire de La Garde, plusieurs élus et aussi tous ces enfants des ateliers, qui, sous la houlette d’artistes, exposaient leurs travaux. Beaucoup à apprendre de nos chers petits qui ont une fâcheuse tendance à piger la finalité de l’art dit contemporain beaucoup plus vite que nous, pauvres adultes déjà programmés...

Simultanément, une étonnante et éblouissante installation intitulée "Oeuvre au blanc" de Marie-Eve Boyer remplissait l’espace d’une salle du rez-de-chaussée : imaginez le sol recouvert d’une très épaisse couche de sel fin d’une blancheur immaculée, quelques sculptures blanches posées sur ce sol, des murs blancs sur lesquels se promènent des oeuvres légères et ... blanches, une lumière blanche, et vous aurez envie de découvrir par vos cinq sens de nouvelles sensations. Marcher sur du sel, avoir les yeux remplis de blanc, deviner, grâce aux infimes nuances, les volumes et les formes, imaginer le parcours de l’artiste, trouver le pourquoi du blanc, voilà une expérience nouvelle à vivre.

Dépêchez-vous, c’est jusqu’au 29 juin, au complexe Gérard Philippe de La Garde (Var)

Photographie 1 : photographies de Thierry Dardanello
Photographie 2 : sculptures de Nicolas Lecoq
Photographie 3 : photographies de Cécile Viggiano
Photographie 4 : dessins de Marie-Agnès Charpin
Photographie 5 : peinture de Nicolas Pilard
vidéo : "l’oeuvre au blanc", installation salée de Marie-Eve Boyer

Posté le 28 juin 2002