Staël : une chanson rock

Nous avons rencontré les membres du groupe Staël le 28 février 2008. Première partie de la tournée de Pauline Croze, Yann, Damien, Marc et Julien ont un nouvel album à défendre : Le Temps de dire ouf.

Dans l’arrière-scène de l’Oméga Live, la discussion se lie tranquillement avec Yann, le chanteur. Pas la grosse tête. Après avoir célébré les louanges de Yaquoi, on en vient vite à nos groupes préférés (Noir Désir en général, Dionysos pour la scène, on en passe) et à nos déceptions (nous ne donnerons pas de noms). Comment a évolué la chanson française, l’industrie du disque. Quel est le rôle d’internet, comment les gens aujourd’hui consomment la musique sans prendre le temps de découvrir un artiste. Avec toujours cette impression que l’environnement musical aujourd’hui en France semble verser dans l’ambivalence : plus de bons groupes, plus de chanteurs de qualité, noyés dans une soupe pas toujours digeste.

Mais Staël dans tout ça justement ? Interview.

D’où vient le nom du groupe ?

Ni du peintre Nicolas de Staël, ni l’écrivain Mme de Staël. Ca remonte maintenant à quelques années, quand on a choisi le nom du groupe, on l’a choisi par rapport à l’esthétique de l’écriture, à la prononciation du nom et à la volonté de faire quelque chose d’élégant dans nos chansons. On trouvait Staël élégant. Le lien avec le peintre ou l’écrivain n’était pas voulu au départ.

Vous avez autoproduit un premier album Les Ecchymoses en 2002, un nom un peu douloureux…

Les ecchymoses sont de petits bleus. L’album a été produit dans des conditions d’autoprod’ mais il a été distribué nationalement par Mosaïc. Sauf que, quand t’as pas de production derrière, ton disque se perd dans les piles chez les disquaires. Il reste une semaine en devanture et la semaine d’après, il est dans le bac à la lettre S.

Quel âge a le groupe ?

Le groupe, je l’ai monté y a dix ans. Par contre la formation actuelle existe depuis cinq ans.

Vous vous êtes rencontrés dans le milieu associatif musical…

… A Grenoble oui. Y a des villes où ça bouge plus : Grenoble, Bordeaux, Toulouse. Y a un tissu associatif bien costaud avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de groupes. Dès le début, ce tissu associatif permet de faire plein de choses, d’avancer en étant en autoprod’, sans être professionnel. T’as la possibilité d’avoir un local, d’avoir des conseils. On explique comment tu gères tes droits d’auteur ; on te permet de jouer, de faire des premières parties. On a pu faire comme ça les premières parties de Raphaël, Indochine, Mickey 3D, La Grande Sophie. Du coup c’est une bonne école. Et à Grenoble, c’est varié : Rhesus, Sinsemilia, Jeff le Nerf. Y a tout un réseau et quand t’es musicien, c’est bien parce qu’y a certaines villes où t’es seul…


… Pas besoin de monter à Paris…

Non, ça, ça se fait après de toute façon. On rencontre des groupes qui commencent sur Paris, qui galèrent plus que nous. Parce qu’y a pas ce tissu associatif à Paris, ou très peu.

Entre le premier et le deuxième album, Le temps de dire ouf, cinq ans ont passé. Qu’avez-vous fait ?

Déjà, il y a eu des changements de personnes dans le groupe. Ensuite, on a maquetté. On a fait les fous. On s’est enfermés dans notre studio à nous. L’album - Le temps de dire ouf -, on l’a fait nous, à la maison, avec les moyens du bord. La maison de disques, avant même le contrat, nous a financé un peu de matos qu’on achetait pour être autonome. On arrive à l’écoute de l’album à une résolution qui vaut les disques qui sortent, sauf que nous, on a mis trois fois plus de temps.


Quelle est la différence avant et après le contrat ?

AZ (leur label) a vraiment fait un boulot de direction artistique. Le directeur artistique repère un artiste longtemps en amont. Il file un coup de main comme ça. Il a un œil dessus, demande qu’on lui envoie des maquettes régulièrement, donne son avis. Avoir un contact, déjà humain, un peu financier, mais en dehors d’un contrat. Entre le moment où il nous a contactés et la signature : trois ans et demi. Du coup, c’est vraiment un travail de direction artistique. C’est pas « je prends un mec, je le signe, on essaie un truc, ça marche pas, je le jette ». Y a un rapport de confiance qui s’instaure. Même pour le mec, c’est plus intéressant. Il fait vraiment son boulot : il participe au projet.

Et vous, comment travaillez-vous ?

On a une méthode qui nous convient bien. On écrit la musique à quatre. Quelqu’un ramène quelque chose : une suite d’accords, une mélodie, … On fait un petit montage, assez rapide pour pas non plus statufier la chose. On met sur disque et moi après, à la maison, au calme, j’écris le texte et la mélodie. J’ai un carnet sur lequel j’écris instinctivement quelques mots. Une fois que la musique est là, je construis le texte. Ca devient plus cérébral, un vrai travail d’artisan. Dans « La Machine », j’avais juste deux vers (« j’aimerais venir dans ton tank apporter un peu de soleil ») et j’ai écrit autour la chanson. Je ne me donne pas de thème au préalable.

Les autres membres du groupe ont-ils leur mot à dire sur le texte ?

Bien sûr. Ils ont d’autant plus leur mot à dire que je vais porter la parole du groupe. Et comme on fait de la chanson, c’est d’autant plus important. Il faut qu’ils se retrouvent dans ce que je vais dire, qu’ils ne se mentent pas à eux-mêmes.

Le pop rock français connaît un regain d’intérêt. Est-ce que vous sentez une ouverture ?

Oui, plus qu’il y a trois-quatre ans. Même au niveau de la chanson française. Avant c’était « relou » de chanter en français. Aujourd’hui, c’est fini. Moi, j’aime bien les textes où il y a du travail d’orfèvre. Un fois le truc fini, je vais y revenir 3000 fois. Je suis un peu psychopathe. J’aime que les trucs soient bien en bouche.


Pour passer du texte à la chanson, il faut que les paroles soient fluides.

Oui mais je travaille avec la mélodie du groupe. Les mots roulent. Tu trouves dans la chanson française Brel qui fait rouler les mots. Le mot a un signifiant et un signifié. Même dans la prononciation du mot, y a déjà du sens.


Est-ce que cette recherche du mot exact, élaboré, ne rend pas la machine plus fragile en concert, dans le sens où on peut moins étendre la chanson sur scène que si on avait des paroles très simples ?

Non pour le moment, ça ne nous bloque pas. Par contre ça nous oblige à doser les textes et la musique. C’est toujours un petit peu difficile. Surtout qu’on a des morceaux comme « Anna » ou « Lucy » qui sont plus pop ; et sur scène, il faut les amener différemment. Y a tout un travail mais on se cherche encore là-dessus. Notre but, c’est de faire beaucoup de scènes et toucher un large public.


Vous autoriseriez-vous à parler politique dans vos chansons ?

Dans les chansons, on n’est pas engagé sur une cause. On tend vers un humanisme. J’essaie de faire passer ça dans les chansons. Je suis très au fait du paysage social : handicapés, délinquants, prostituées [Yann a été éducateur]. Ca m’a nourri pour l’écriture.

Préparez-vous déjà le troisième album ?

En fait, on travaille tout le temps. Y a toujours des idées. On note tout sur les portables. Ca donne une grosse usine et l’on sait qu’on va en jeter 80%. On sait aussi qu’avec cet album, le premier en développement, on va vivre dessus longtemps. On est content de défendre l’album sur scène mais on a hâte d’écrire de nouvelles chansons.

Posté le 9 mars 2008