André Du Bouchet - Espace du poème - Espace de la peinture, ou lorsque poésie et peinture se télescopent.

Une exposition d’envergure nationale qui réunit André Du Bouchet, le grand poète disparu l’an dernier, et tous ces grands peintres et amis qui l’ont accompagné dans son oeuvre, c’est à côté de chez vous, c’est à Toulon, à l’Hôtel des Arts. Un beau cadeau de fin d’année du Conseil Général...

André du Bouchet, ces syllabes ne résonnent sans doute pas dans nos oreilles comme pourraient le faire Mallarmé, Victor- Hugo ou Baudelaire, et pourtant, ce poète-inventeur né en 1924, aura marqué sa génération et les suivantes en incorporant dans sa poésie une dimension nouvelle, la forme, créant ainsi la poésie visuelle : " Ses livres trouvent un accord inédit entre la respiration des poèmes et leur forme typographique, entre la progression active du sens et la disposition des mots dans la page... Une page d’André du Bouchet étonne d’abord par les grandes enjambées que fera le lecteur d’une phrase ou d’un mot à l’autre ; des suspens, des étendues de silence...Le manque, l’oubli, la perte, les blancs participent totalement de la construction d’une oeuvre et de l’affirmation de la vie." (Jean-Pascal Léger, éditeur).

André du Bouchet marchait avec ses amis. De l’amitié et de la marche naissaient les mots. Une ébauche. Sur ses carnets, un travail complexe et long de disposition, élagage, concentration, respiration, vide et plein, jusqu’à l’oeuvre finale, à double entrée, double lecture, ou double vision, comme vous préférez : le mot, porteur de sens, posé sur la page, devenait porteur de forme, la page devenait espace de développement d’une oeuvre visuelle. Entre les mots ou en regard sur l’autre page, venaient s’imbriquer les gravures des artistes, de ceux qu’il avait choisis ou qui l’avaient choisi et qui l’avaient accompagné dans son long cheminement. Chemins croisés... Espaces mêlés, ceux des mots, ceux du dessin. Rencontre de deux langages, celui de l’écriture et celui du dessin, tous deux devenus en signes.

Ces livres ont été édités et imprimés après mûre réflexion, rien n’a été laissé au hasard : typographies, encrages, procédés de reproduction, tout participait pleinement de la création d’une œuvre, y compris les subtils événements dus à un papier fait sur mesure. Ces livres étonnants vous sont présentés dans les vitrines, accompagnés des carnets et correspondances. Les vitrines elles-mêmes sont accompagnées par plusieurs oeuvres choisies desdits peintres. Le choix a été fait par le commissaire J.P. Léger qui a tenté de reconstituer le choix qu’aurait fait le poète et ami, de son vivant. Et le choix est bon, très bon...Et l’exposition se lit comme l’oeuvre de Du Bouchet : avec des allers et retours, des stations, des vagabondages, des pas avant, des pas arrière, des cheminements imprévisibles...

Ah, mystiques, les Tal-Coat, ce vert d’eau balafré d’un accent rouge ou le geste fulgurant noir et blanc de "envol". Essentiels, les petits de Staël, avec leurs blocs simples, au-delà de l’abstraction ou de la figuration. Les deux Bram van Velde : libres, actifs, réactifs,. Et l’homme de Giacommetti : sorti de la nuit des temps... Et quelle prière devant le bleu ciel dépouillé à l’extrême de G. Asse ? Que penser des mariages de couleurs improbables de Casamada ? Et de tous les autres que nous ne désirons pas vous dévoiler ?

Des peintures sublimes ...elles aussi.

Exposition : @@@@@ - Unique, belle, didactique. Voilà pour l’expo que vous ne devez manquer sous aucun prétexte.
Côté pédagogique, l’exposition est très bien préparée ; une fiche de visite tout à fait explicite vous sera remise à l’entrée, un copieux catalogue (16 € ) a été édité par l’Hôtel des Arts,
une émission sur A. du Bouchet sera diffusée sur France Culture les 23 et 24 décembre à 22h30, et les livres d’A. du Bouchet (poésie, écrits sur les peintres, traductions...) sont disponibles à la librairie Charlemagne de Toulon. Pour les amateurs de poésie, le site www.printempsdespoetes.com

Accrochage : @@@@ - l’accrochage, très bien rythmé, se lit comme les livres de poésie d’André du Bouchet : avec de larges enjambées qui mènent d’un livre à une peinture, d’un mot à un cahier, d’une phrase à une eau-forte. Seul bémol : les étiquettes sous les tableaux sont trop visibles, surtout lorsqu’il s’agit des peintures petit format de Nicolas de Staël - une liste judicieusement posée sur le côté aurait moins perturbé ma contemplation...

Vernissage : @@@ je préfère l’anchoïade...(goût personnel)

*A. Giacometti, P.Tal-Coat, B. van Velde, G. Asse. M. Bokor, G. du Bouchet, L.Cordesse, J. Hélion, J.B. Jondkind, A. Ràfols-Casamada, N. de Staêl, A. Tàpies, J.Villon

Posté le 21 décembre 2002

Exposition jusqu’au 12 janvier, de 11h à 18h, sauf lundis et jours fériés, entrée libre
236 bd Général Leclerc, 04 94 91 69 18