"CHRONIQUES" DE JOËL DUCORROY, A LA VILLA TAMARIS

Joël DUCORROY :
CHRONIQUES

C’est jusqu’au 4 septembre 2016, à la Villa Tamaris, Centre d’art, La Seyne sur mer
www.villatamaris.fr

Dé-Peindre
par Lilyane ROSE

Une exposition à découvrir pour ceux et celles qui se posent (peut-être) des questions sur la fonction de l’art et particulièrement de la peinture. La Villa Tamaris est coutumière des contacts avec les artistes qui risquent de bousculer nos certitudes en matière d’art ; la précédente exposition du travail d’Arnaud LABELLE-ROJOUX ne nous aura pas laissés indemnes.

Joël DUCORROY n’est pas un inconnu. Plus de trente ans de production déjà (qui ont donné lieu en 2003 à un catalogue raisonné de ses éditions et multiples) : depuis sa première plaque en 1981 issue d’une rencontre dans un grand magasin avec Serge GAINSBOURG ("etc c’est adéquat"), de nombreuses expositions personnelles, au MAC de Nice (1998), à la FIAC (2003), à New York, Colmar (2014), sa participation pour une exposition au Musée d’Art Moderne de Tokyo (1989) et une commande de 7 000 plaques destinées à l’aménagement d’un bâtiment culturel de Calais, entre autres…

Joël DUCORROY serait plutôt à "classer" dans la catégorie peinture – sa participation à l’exposition de Tokyo "Color or monochrome" pourrait l’attester-. Son œuvre se présente comme un objet fini, statique, dans la tradition du tableau qu’on accroche au mur ; les supports sont rectangulaires, bordés d’un encadrement, les couleurs, monochromes, en aplats jaunes, verts rouges ou noirs, primaires. Sauf que l’œuvre est une banale plaque de métal, normée du service de mines, et les sujets, la représentation, de simples mots, industriellement emboutis ! L’artiste désigne, nomme, dépeint le monde qui nous entoure, nos petites histoires, et même les œuvres d’art. Il transpose les images par épellation : coussin, étagère, photo, vase, rose, sein, lèvres, coude…

On ne peut se retenir de lire à haute voix, le son participe de l’œuvre – un des sens de CHRONIQUES est ensemble de nouvelles, de bruits qui circulent, et aussi (pour rester dans l’esprit facétieux de certaines œuvres comme "six troènes") une rubrique de presse. Pour comprendre, il suffit de savoir lire. Il n’y a pas de mystère, tout est écrit ! Seulement, il joue avec la vue et le réel, des images mentales se forment à partir de l’imaginaire du regardeur, en fonction de ses références, de son vécu. Nous sommes amenés à créer notre propre image, qui sera unique et personnelle. Doucement nous entrons dans une œuvre conceptuelle qui, en jouant sur le pouvoir d’interprétation de chacun, parle de l’acte de percevoir une image, applique le langage à l’analyse de l’art. Un indice : une copie de l’œuvre de Joseph KOSUTH "une et trois chaises", une mise en abyme plutôt, où tout est inventorié, barreau, assise, dossier, etc… Et pas simplement un pastiche.

La plaque minéralogique élevée au rang d’œuvre d’art, une pratique atypique qui mêle langage, couleurs et formes, une immatriculée conception, un concept systématique unique qui fait la part belle à la nomenclature, à l’inventaire infini du monde et une œuvre virtuellement ouverte, de l’art en somme, qui pourrait entrer dans la définition de ce bon vieux Robert FILLIOU : l’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.

Lilyane ROSE


Crédit photographique :

Polacolor titled signed, 2003
30 x 21 cm, Tirage frontier
Courtesy Baudoin Lebon

Blason, 2007
60 x 60 cm, broderie
Courtesy Incognito Artclub


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Posté le 26 août 2016