"Images du Corps", une grande exposition photographique

à l’Espace Peiresc, à ne pas manquer
Le corps humain est certainement le sujet qui a été, est et sera le plus souvent et pour toujours photographié. Rien d’étonnant à cela : le corps n’est-il pas l’enveloppe humaine matérielle, donc visible, donc regardable et remarquable, donc photographiable ?

L’homme n’est-il pas corps autant qu’âme ? Et comment montrer l’âme sinon en montrant le corps ? Et comment montrer le corps sinon en montrant la chair ? Le corps entier, ou morcelé, vu de très près, agrandi, déformé, flou, en mouvement, en clair-obscur, en deux dimensions, en trois dimensions : le champ des possibles de la photographie est immense, et ce n’est pas un hasard si ce médium a apporté une révolution silencieuse dans la représentation de l’homme.

Dès les premières années de l’histoire de la photographie (les années 1840), les daguerréotypes, les calotypes et autres procédés en recherche fixeront à jamais les portraits d’hommes célèbres et d’artistes aussi bien que les portraits ou les masques mortuaires anonymes. La photographie connaît très vite un grand succès auprès de toutes les couches de la société, entre dans l’intimité des gens, même si elle dérange l’art, parce que trop directe, trop crue...Qui ne possède pas dans ses archives des photographies d’ancêtres, figés et fixés à tout jamais sur une image cartonnée grise petit format ?

Mais la photographie ne s’arrêtera pas à une utilisation mnémonique, au portrait reportage, à la description documentaire. Elle essaiera et réussira à tout dire, tout dévoiler sur l’homme et son humanité : le corps, unique et porteur d’identité ; le corps objet et sujet de désir, beau, sexué, érotique, académique ; le corps amélioré, dépassé, exagéré, facteur de prouesses physiques ; le corps vivant, vieillissant, mortel, marqué par le temps, la maladie, l’anomalie, la déformation ; le corps, sujet d’observations scientifiques ou médicales ; le corps social, en groupe, en foule, avec ses fêtes, ses réunions, manifestations, révoltes ; le corps tragique, agressé, martyrisé, fragmenté par la guerre, le crime, le corps transformé en chair ; le corps abstrait, chosifié, transformé en icone, support pour la méditation, exploité pour ses formes, lignes, volumes ; et j’en oublie certainement ; le corps, sujet inépuisable, toujours renouvelé n’a pas fini de parler, montrer, exprimer, provoquer. Il n’a pas fini de provoquer en nous émotion, plaisir ou dégoût, adhésion ou révolte.

C’est tout cela que nous montre "Images du Corps" à travers les oeuvres de 28 photographes contemporains. Le commissaire, Jean Arrouye, sémiologue de l’image, a choisi la voie de l’éclectisme, de la contemporanéité, des écarts : de l’image abstraite, fragmentée, macrophotographique de la jeune photographe Caroline Chevalier à la grande photographie du célèbre Helmut Newton en passant par la mise en scène du fantasque Joël Peter Witkin, le rituel primitif ou mythique des mains d’un Dieter Appelt, l’agrandissement géant d’un Tosani, ou l’image sculpturale d’un John Coplans, la palette photographique présentée ici est immense et cette exposition est un vrai bonheur. J’ajouterai que trois expositions photographiques de valeur à Toulon cette année présagent un avenir radieux...

Les photographies, dont certaines sont extrêmement rares (Witkin, Newton), sont prêtées par les Fonds Régionaux d’Art Contemporain d’Aquitaine, Ile de France, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Paca, les galeries lyonnaises Vrais Rêves, ncc-photo.fr, Réverbère, de Lyon, la galerie toulonnaise H et R Théret et la galerie parisienne Françoise Paviot. Un magnifique exemple d’ouverture sur les régions.

J’ajouterai que, parallèlement, trois conférences et une table ronde ont été programmées tout au long de cette exposition, réunissant des intervenants de grande qualité, philosophes, photographes, sémiologues, architectes, directeur de l’ENP etc. Débats passionnants sur la contribution de la photographie à l’histoire des arts, et tout spécialement, naturellement, le pourquoi de la place prépondérante du corps photographié.

Posté le 18 mai 2002

Manifestation @@@@@
Accrochage @@@ (lieu ayant tendance à être trop chargé, faute de place sans doute....)

photographie 1 : H Newton "Lisa Lyon chez elle", 1981, 163 x 109
photographie 2 : J.P. Witkin "Melvin Burckad Huma Oddity", 1985, 70 x 70
photographie 3 : Caroline Chevalier " Plis 1,2,3,4", 80 x 80, quatre fois
photographie 4 : A.R. Minkkinen, 60 x 80