JEAN-CHRISTOPHE MOLINERIS

Entrée Libre

EXPOSITION JEAN-CHRISTOPHE MOLINERIS
Du samedi 12 septembre 2009 au dimanche 11 octobre 2009

VILLA TAMARIS - CENTRE D’ART
Chemin de la Grande Maison Tamaris
83500 LA SEYNE-SUR-MER

Ouvert tous les jours sauf lundis et jours fériés 14h-18h30
Visite guidée sur rendez-vous

  • Vernissage le 11 Septembre 2009 à 18h

La peinture au Chic Cabaret…

J’ai eu le privilège de découvrir Jean Christophe Molinéris à ses débuts. Une première rencontre avec un adolescent réservé (l’homme a su rester pudique)proposant des essais autour de la bande dessinée, une approche plastique vite abandonnée au profit de l’illustration, du travail sur l’image, et dela peinture. La datation reste imprécise, sans doute au tout début des années quatre-vingts du siècle précédent, avant que le goût (l’impérieuse nécessité ?)du voyage ne le conduise de la Seyne-sur-Mer (sa ville natale) à Montréal en passant par l’île Maurice sans oublier le Merdinger Kunstforum (Allemagne,2002). Avec la même détermination et le même plaisir, Molinéris crée, bricole,structure, décore, réalise… Made in France (1992), A+B+B+Y=X (1994), Urban Spirit(1997), White trash painting I et II (2000)… mais aussi Long train fresque murale (1991, Espagne), décorations et maquettes pour les Foufounes électriques(Montréal, 1992/93), interventions avec le groupe Recup’Art (1996)…

Le Chic Cabaret des Foufounes électriques (soulignons que l’acception québécoise duterme est différente de la notre) constitue l’exemple parfait d’un lieu alternatif nord américain, le pendant du C.B.G.B’.S new yorkais. On pouvait y découvrir Nirvana avant son succès planétaire, écouter The Ramones, croiser William Burroughs,Marianne Faithfull ou Lydia Lunch. Jean-Christophe Molinéris hume et capte ainsi l’air du temps. Mieux, il se définit contemporain, pleinement de son époque, vécue, non Mainstream, mais toujours Underground… Il possède et cultive le goût de l’alternatif, de la contre-culture, de la marginalité artistique pleinement assumée. Il devient batteur de rock (tendance punk pour deux groupes : The Last (1983) et Crixivan 400 (1998)). Il pressent très vite que l’important potentiel artistique qu’il développe de mille manières ne s’exprimera pleinement que par le dialogue, et les rencontres. La peinture s’impose ainsi naturellement comme un moyen de communication universel. Saisir, s’insérer, participer à tout ce qui émerge sans pour autant s’avilir dans un non-conformisme de circonstance. Penser le neuf sans oublier la tradition. La peinture, par son histoire même, implique, qu’on l’accepte ou non, cette confrontation.

Molinéris a fait de l’engagement pictural une affaire personnelle. Un corps à corps existentiel avec le réel. Il a su très vite s’approprier le "questionnaire décisif" (Bernard Rancillac dixit) sur le comment peindre, le sujet et le destinataire de la peinture, en y apportant ses propres réponses. "A travers ma peinture, je mets en exergue le conflit perpétuel de l’homme face à la réalité sociale. Mon regard se montre souvent critique mais toujours animé de compassion envers cette relation difficile. La dénonciation de l’exclusion et de la ségrégation,les valeurs fondamentales que sont l’acceptation de la différence et la diversité des échanges, sont des thèmes qui m’inspirent tout particulièrement. Les techniques plastiques employées me servent à renforcer la lecture de l’oeuvre en lui donnant de multiples dimensions. Des collages d’images, d’objets de consommation (récupérés ou personnels) parsèment mes tableaux, inclus dans la matière picturale afin d’accentuer le chaos des lignes. Le regard de l’observateur se trouve simultanément bousculé et envahi par la matière. Les subtilités de la dualité ainsi que le tranchant des inverses, indissociables au fonctionnement de la vie, sont prédominants dans mon travail qui en suggère l’aspect". Cette profession de foi n’est pas récente, elle explicite un projet cohérent sans pour autant l’épuiser. La reprise pour l’exposition à la Villa Tamaris du titre d’une exposition de 1997, Peace, Love and Destruction, rend compte de cette continuité. L’oeuvre existe, présente au monde et aux regards, rebelle, rétive au scalpel de la froide analyse. Conçue avec passion, elle se révèle dans l’émotion partagée. Peinture de rupture ? Plutôt de césure. Un art poétique visuel, ou le rythme plastique scande la fragmentation de l’image.Images identifiables, quelquefois iconiques, mais disséminées, éclatées sur la toile par les inclusions : papiers, grilles, matériaux hétéroclites… Tout "un fatras" pour reprendre la plaisante expression de son ami Jean-Pierre Giacobazzi, qui par ailleurs n’a jamais dissimulé son respect et son admiration pour ce travail proche de ses préoccupations et très différent dans la facture. Tout est bon pour peindre, tout fait ventre. Désacraliser la peinture pour la rendre toujours plus opérationnelle. Car Molinéris met en oeuvre une véritable stratégie de confrontation du monde, de ses contradictions, de sa brutalité et de ses horreurs. La toile devient vorace, gloutonne, cannibale. Autophage aussi, se réapropriant inlassablement sa propre substance : formes, couleurs, images, bois, affiches, réunis dans un même tourbillon, tour à tour sujets, objets, signifiants, signifiés, références… Molinéris relègue l’aplat au second plan. Il prône le rugueux, le tactile, le sensible. Néo-expressionnisme ? Bad Painting ? La filiation existe. Molinéris (comme Julian Schnabel par exemple) intègre la culture médiatique à sa démarche et n’a pas peur de l’outrance ou du mauvais goût.

Des réminiscences de la Figuration narrative peuvent toutefois se discerner. On retrouve une thématique sociale commune, la même volonté de critique du monde et de ses images par l’utilisation du document, le plus souvent ici de façon brute, le principe du collage n’intervenant que dans les prémices (en 1980/1990) et ponctuellement, dans des pièces autonomes ou complémentaires. Pour autant Molinéris sait regarder, réfléchir, discerner. Son regard n’est jamais celui d’un épigone. Il néglige l’aspect formaliste, voire conceptuel du mouvement au profit de la mise en scène plastique de pulsions vitales. Une expérience gestuelle indissociable de l’acte de peindre et du sens. Spontanéité et maîtrise du geste, irréductiblement liées. Molinéris pratique une peinture libre mais non relâchée. La tension s’affirme par le métier et se découvre par exemple dans le travail des fonds, dans le jeu subtil de la gradation des plans.

Paul Signac établissait une nette distinction entre "le sujet pictural", la dimension intangible de l’oeuvre, son contenu véritable, et le "sujet pittoresque", la scène ou l’objet représenté, voué à tomber dans la pure et simple anecdote visuelle, est appelé à plus ou moins brève échéance à se démoder. Le travail de Molinéris peut se lire comme une tentative pour résoudre cette contradiction en la prenant tout simplement à bras le corps. La représentation fragmentée provoque l’apparition ou la disparition de l’image, son opacité ou sa transparence,ainsi l’actualité peut se conjuguer avec la légende du siècle. Entre Figuration et abstraction s’établit un jeu subtil (Quand leurs grandes idées deviennent nos pires cauchemars, 2004 / La Récolte sera bonne, 2004). Molinéris ou la mise en question(s), de la peinture, du sens, de la forme, du monde…

À ses interrogations fondamentales, il ne peut et ne doit (condition nécessaire et suffisante) apporter que des réponses plastiques. Réponses partielles, segments de vérité… Plus que jamais poursuivons (picturalement) le débat !

Aurait-il la tentation d’un retour à l’atelier en forme d’exil intérieur, le poids du monde, saurait se rappeler à lui. On le rencontre partout, au quotidien, dès le réveil. Entre ciel et terre aussi bien qu’A l’angle de la rue des martyrs.

Robert Bonaccorsi

Renseignements
VILLA TAMARIS - CENTRE D’ART
83500 LA SEYNE-SUR-MER
Tél : 04 94 06 84 00

Posté le 11 septembre 2009