Les agités du bocal planchent sur l’indépendance de l’Algérie

Paradoxalement, la meilleure façon d’éviter de tourner en rond n’est pas de frayer en solitaire. Qu’ils soient vieux loups de l’écriture, de la mise en scène et de la comédie, ou brochetons dont le talent est en éclosion, tous ont accepté l’espace de trois jours de bousculer leurs habitudes de travail en plongeant dans le premier Bocal agité varois.

L’opération organisée par l’équipe des 4 Saisons du Revest à débuté mercredi 6 juin. Elle s’achève ce soir par la représentation à 20h30 de 10 pièces de 10 minutes sur le thème de l’indépendance de l’Algérie, résultat du travail de 9 auteurs, 9 metteurs en scène et 27 comédiens.

Le concept du Bocal agité a été imaginé par Mustapha Aouar de « Gare au théâtre » à Vitry-sur-Seine. La recette est simple sur le papier, elle est aussi inédite. Réunissez 4 auteurs algériens et 5 auteurs varois, des metteurs en scène et comédiens varois, faites les travailler dans l’urgence avec des contraintes d’écriture (données par l’agitateur du bocal). Vous obtenez alors 10 pièces de théâtre qui n’auraient jamais été ce qu’elles sont, si elles avaient été conçues à travers la chaîne classique de production théâtrale. Fournir un tel travail en trois jours représente un défi, réalisable grâce au déploiement d’énergie considérable et désintéressé des participants.
Le Bocal doit répondre à un principe d’échange, c’est pourquoi les textes écrits par les varois ont été envoyés par Internet à l’Institut National d’Art Dramatique d’Alger afin d’être joués simultanément par des comédiens algériens.

Mercredi 6 juin, les auteurs ont donc planché toute la journée sur le thème de ce 19 è Bocal : l’indépendance de l’Algérie et le retour des pieds-noirs, il y a 40 ans, en 1962. Gérard Lépinois, écrivain de théâtre à Paris, à l’origine du Bocal avec Mustapha Aouar a joué le rôle d’agitateur. « Proposer des contraintes d’écriture, c’est une façon de libérer les auteurs, de les déplacer et de faire naître des choses positives en eux », explique-t-il, avant d’ajouter que « plus un Bocal est thématique et plus il faut ouvrir, par le biais des contraintes ». Des contraintes qui ouvrent des champs d’exploration possible du thème. « Dialogue de la mer et de la baie d’Alger », « Exposition d’yeux de moutons sur les marches de la casbah, ou le songe du parachutiste », « soliloque du béret de Massu », ou encore « le retour d’Ulysse aux pieds crasseux ou Le Pen eh lope », sont quelques unes des propositions de Gérard Lépinois. Une façon d’inviter les auteurs à s’exprimer le plus librement possible, sur un thème douloureux pour les deux rives de la Méditerranée.
L’agitateur a souhaité qu’il n’y ait pas de complaisance dans les textes. « Allez vers l’ennemi, l’opposite, proscrivez les bons sentiments, et n’hésitez pas à imaginer le pire pour être critiques » lançait-il aux auteurs.

Le résultat est conforme à l’esprit du Bocal. Les textes sont à la fois libres, profonds et drôles emplis de poésie mais aussi d’images choc. Leur force est celle qui peut dépassionner les choses, faire prendre du recul. Après lecture mercredi soir par les auteurs, metteurs en scène et comédiens se sont arrachés les manuscrits. Pour Nadjet Taïbouni, auteur algéroise, « c’est très émouvant de voir l’engouement des comédiens et des metteurs en scène pour nos textes. De plus tous ces gens viennent bénévolement ».
Le Bocal est maintenant entre leurs mains. A eux de faire vivre ces pièces qui seront présentées au public ce soir aux 4 Saisons du Revest à 20h30. 10 représentations de 10 minutes se succéderont sur différents sites (les spectateurs passeront d’une scène à l’autre). Une performance plus qu’un spectacle. Il faut assister à ces représentations en connaissant les conditions dans lesquelles ils ont été montés. Pour Philippe Malon, auteur varois, « le Bocal condense la chaîne de production artistique, il accélère le temps ». Après les représentations, les spectateurs seront conviés au débat de témoignage et de réflexion autour cette expérience.
Un rendez-vous à part, à découvrir pour les textes, l’originalité du concept, la qualité et la générosités des participants.

Posté le 8 juin 2002

photo : Abdelaziz Benmahdjoub lit son texte.

Bilan du Bocal Agité varois raconté par des acteurs de l’événement