Les étranges affaires de Jean-Pierre Pincemin

Sculpteur, peintre, graveur, céramiste... Jean-Pierre Pincemin présente jusqu’au 10 novembre ses travaux réalisés suite aux maints voyages effectués en sa qualité d’« ambassadeur de l’art contemporain français ». Mandaté par les ministères des Affaires Etrangères et de la Culture, Jean-Pierre Pincemin s’est en effet constitué une base de souvenirs, impressions, émotions dans laquelle il puise pour bâtir cette exposition intitulée « Foreign Office » réunissant des toiles récentes accompagnées d’un cycle d’œuvres gravées.

Né à Paris en 1944, Jean-Pierre Pincemin fréquente plus volontiers les salles du Louvre que les bancs de l’école. Aussi, le premier contact avec la matière picturale le marquera définitivement, notamment la peinture de Veronèse, un des maîtres de l’école vénitienne.

Ses débuts professionnels dans l’industrie mécanique de précision ne sont finalement pas sans rapport avec ce désir fort de création. Que serait en effet l’esprit sans les mains pour le guider ? Commence son cheminement d’artiste à part entière, dans le cinéma, puis l’installation définitive dans la peinture, la sculpture et la gravure.

Voyons ce parcours. En 1967, Pincemin présente au Salon de la Jeune Sculpture ses travaux réalisés en bois trouvés. Il tente par la suite différentes expériences, comme par exemple des planches et des tôles ondulées immergées dans la teinture et appliquées sur des toiles libres. Les premiers « Carrés » collés voient le jour en 1969, en fait des sériés répétées de carrés de toiles que l’artiste teint, colle ou coud sur de grandes surfaces. Sa trajectoire rencontre en 1971 le groupe Support / Surface. Jean-Pierre Pincemin s’accorde avec les combattants de l’anti-art, pour des questions d’engagements et de techniques proches, et peut-être aussi parce que les temps d’alors étaient au refus. Les chemins des uns et de l’autre bifurqueront peu après, Pincemin préférant sans doute les aléas de la création libre que l’appartenance à un modèle ou un groupe donné. Ainsi en 1974, des grands travaux rythment sa vie d’artiste, c’est à dire qu’il compose sur de grands formats un œuvre architecturale où bandes verticales et horizontales modulent une palette subtile. En 1976, l’œuvre se tend sur châssis, imposant de nouvelles limites plus strictes, l’espace peint se retrouvant scindé en bandes. Jusque en 1984, Jean-Pierre Pincemin compose ces variations qu’occupent figures géométriques et bandes monochromes. Pourtant, peu à peu, le peintre glisse vers la forme identifiable. La géométrie marque le pas face à la courbe, à l’étoile ou à la spirale. En 1986, dans une série titrée « L’année de l’Inde », des figures primitives font leur première apparition, dictées par la tradition picturale indienne. Dans les années 90, les signes géométriques se manifesteront de nouveau, s’alternant avec des toiles figuratives inspirées de l’iconographie médiévale ou de savants traités philosophiques. « La dérive des continents » en 1994 fait côtoyer plantes, animaux, portraits, enluminures...dans une véritable allégorie vouée à la couleur.

Curieux de toutes formes d’expression plastique, Pincemin se prête au difficile exercice de la gravure. Il répond alors à une commande de la Chalcographie du Louvre où les artistes retenus restent libres de leur sujet et de leur technique, en soi un joli présent pour l’adolescent qui arpentait naguère les salles de cette vénérable Institution.

Peut-être plus que tout autre, Pincemin apparaît comme un artiste complet, qui use et abuse des différentes techniques pour parfaire son expression plastique et surtout bâtir une véritable cathédrale vouée à la lumière et à la couleur, édifice qui rencontre son écho à la Villa Tamaris.

Posté le 12 octobre 2002