Des paysages lunaires sans lune, des personnages sans visages, sans regard, mystérieux et pétrifiés, des animaux sortis de sombres légendes, autant d’images ténébreuses issues d’un inconscient, d’un rêve , d’un archétype.
Sarah Moon nous emmène vers un ailleurs où la réalité n’a plus de sens, où le sujet photographié n’est que l’alibi d’une vision, d’une illusion, d’une intuition. Et nous nous sentons transportés dans un monde de beauté magique où tout devient subitement sensuel et nous avons envie de toucher cette matière photographique lisse où rien n’est blanc, rien n’est noir, mais tout est entre deux, dans les gris sépias les plus subtils, les plus doucement dégradés, du ténébreux vers une lumière tamisée, frisante, et nous avons envie de caresser du bout des doigts les courbes mystérieuses et voluptueuses, nous avons envie de toucher cette surface sensible où plus rien n’est précis, où les contours sont dissolus, flous, bougés, dont la marge se dédouble dans de délicats festons qui nous laissent deviner les étapes d’une transformation, d’une métamorphose. Et nous entrons doucement dans cet univers figé, mélancolique, et qui peu à peu nous suggère le mystère de la mort, et pourtant, nous nous plaisons, complaisons même à rester devant ces étranges images d’une ineffable beauté.
Sarah Moon, alchimiste photographe, pictorialiste, est loin, immensément loin des photographes de sa génération qui nous offrent des images d’une lucidité et d’une froideur au service d’une idée ou d’un concept : par un savoir-faire devenu exceptionnel, elle nous rappelle nos anciens maîtres de la photographie, un Steichen ou un Coburn, qui transposaient toute leur sensibilité et leur imagination créative dans leurs images. Et nous sommes touchés au plus profond de nous même.
Sara Moon est née en 1941 en France, elle a exposé dans les lieux les plus prestigieux du monde entier. Elle réalise également des films, certains sont visibles à l’hôtel des arts.
