MARINETTE CUECO

Pierres, ardoises, entrelacs

Marinette CUECO
Pierres, ardoises, entrelacs
Centre d’Art de Châteauvert, 83670
10 juillet – 29 novembre 2020

La clé des champs
par Lilyane Rose

Joncs capités, zéas mays, ampélopsis, carex des près, joncs épars… et aussi : galets de marbre, sable de Fontainebleau, ardoise d’Allassac, des "pierres captives", des "écritures", des "entrelacs". A la fois matières et sujets de la pratique artistique de Marinette CUECO.

Depuis toujours, dans une démarche naturaliste, mais aussi par son héritage de culture paysanne où rien n’est jeté, où tout trouve une fonction, Marinette CUECO glane, récolte et classe des feuilles, des herbes, des pierres. Ce qu’elle donne à voir et à partager, c’est une œuvre claire, tranquille mais rigoureuse, en parfaite collaboration avec la nature qu’elle aborde avec respect.

Pour parler de la réalité brute de la nature, elle procède par séries, avec des gestes élémentaires, quasi obsessionnels : coudre, tresser, crocheter, traverser. Faire tenir ensemble l’inerte et le vivant, le lourd et la fragile, l’éphémère et l’éternel. Simplicité et évidence. La forme des œuvres ? géométrique, primitive, immuable : châssis carrés, triangles et rectangles libres, tondos comme des mandalas qui délimiteraient des aires rituelles.

A l’intérieur, d’incroyables jardins d’herbes fragiles et impossibles à travailler, des stries de chemins végétaux qui peuvent conduire à des morceaux d’ardoise et les emprisonner, de petits territoires à la cartographie hypnotique. Dans un jeu de va-et-vient, pénétrable / impénétrable, ces surfaces nous invitent à un parcours rythmé de contraintes et de liberté : traversée des vides, blocage opaque des pleins, relâchement des mailles ou densité vertigineuse des joncs capités entrelacés qui fait frémir la surface. Comme une respiration : aspiration, apnée. Une palpitation imperceptible.

Un travail lent et appliqué, Marinette CUECCO prend son temps – jusqu’à l’engourdissement et le repli sur soi, parfois, avec ses pelotes, fagots et autres cocons des "hivernages"-. Elle prend le temps de la lenteur, de réfléchir sur le fugace et l’immobile et de le traduire sur des plaques d’ardoise ("écritures"), petits dolmens et menhirs scarifiés défiant le temps, et cependant prisonnières de tresses en joncs capités. Une confrontation entre le lourd et le léger, le fragile et le durable, comme un combat biblique.

Chaque œuvre est un petit monde d’équilibre et de réconciliation entre la sensualité de la matière vivante et le langage abstrait, la finitude et l’infini ; un arrêt dans le temps, une invitation à vivre le moment présent. Presque un travail sur l’inconscient.

Entre évidence et mystère, Marinette CUECO nous attire dans ses filets d’Arachné, magicienne, bonne fée ou sorcière, elle nous envoûte et nous enferme dans ses "pièges à rêves" et à souvenirs. Dans le silence.

Lilyane ROSE

crédit photographique : centre d’art de Châteauvert et MFLP
mise en page MFLP

Posté le 28 octobre 2020