Nelly Maurel : Entre pleins et déliés

Nelly Maurel joue avec les mots, mais pas uniquement. En effet, plus qu’un divertissement, cette touche à tout affronte les différents sens qu’ils cachent, pour les utiliser en totale liberté. Cette émancipation se retrouve également dans le dessin où les associations d’idées se poursuivent bien au delà de la limite de la feuille puisqu’elles envahissent l’esprit de celle ou de celui qui le regarde. D’une réflexion à sens unique on débouche sur une multitude d’interprétations, sorte de forêt impénétrable, ou du moins réclamant un fil d’Ariane pour rejoindre un semblant de lumière. Nelly Maurel spécule ainsi sur la langue dont quelquefois le mot désigne à la fois une chose et son contraire. En proposant différents modes de représentation, cette méthode d’ailleurs non dénuée de poésie rappelle à certains ou enseigne à d’autres qu’une communication entre deux êtres est avant tout : au mieux, l’échange de deux points de vue, au pire, l’affrontement de deux univers. Dans « Un verbe en commun, scènes conjugales » (Editions Al Dante, collection « Mauvais rapprochements »), Nelly Maurel propose des combinaisons de phrases délivrant sens propre et figuré comme par exemple « Elle traverse la brume, il s’occupe des enfants, la brume et les enfants se dissipent », témoignage direct d’un humour à l’épreuve des balles. Avec les pictogrammes, l’artiste enfonce un autre clou dans le mur maintenant zébré de nos certitudes. Cette représentation graphique schématique employée communément dans un monde rationalisé à l’extrême traduit ici des états psychologiques ou des comportements privés d’image. Encore une fois, le rail salutaire de la pensée est malmené, l’évidence perd son caractère et les dogmes tombent comme feuilles en hiver. Cette disposition d’esprit ouvre des perspectives nouvelles pour qui veut seulement s’en donner la peine. Observatrice et manipulatrice d’un monde qui laisse croire que le hasard n’a plus sa place, Nelly Maurel introduit des variables de sens authentiques et précieuses. Les mots pèsent alors de tout leur poids et - oserions-nous écrire - vont dans tous les sens, du moins ceux que l’on est susceptible de leur offrir.
Jean-Christophe Vila

Exposition Nelly Maurel, « J’entends très mal mais je vois très bien ce que vous dites », dessins, pictogrammes et installations, Galerie Tête d’Obsidienne Fort Napoléon, du 24 avril au 23 juin 2007, vernissage samedi 21 avril, 18h00

Posté le 20 avril 2007