Quarantaine

La galerie Norbert Pastor propose du 27 janvier au 17 mars 2007, Quarantaine, une exposition de Natacha Lesueur, Marie-Eve Mestre, Bruno Pelassy.

De l’œuvre de Bruno Pelassy, artiste né en 1966 et aujourd’hui disparu, nous gardons à l’esprit la « rétrospective » organisée au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice en 2003-2004, le travail de la galerie Vigna sur Nice et celui, encore aujourd’hui, de la galerie Air de Paris. Notre volonté de donner à voir une exposition où le travail de Bruno Pelassy trouverait sa place sans connotation commémorative nous a rapidement amené à envisager l’architecture de cette exposition dans une vision collective où les affinités prendraient le pas sur la thématique, sur l’approche formelle.

Donner un titre à cette exposition n’était pas primordial, il ne l’est toujours pas. « Quarantaine » est une photographie de Natacha Lesueur, celle d’un messager masqué et torse nu. La typographie joyeuse et sucrée (réalisée au cornet avec de la glace royale : technique de pâtissier à base de blanc d’œuf et de sucre glace) sur la visière baissée dissimule maladroitement la vulnérabilité de ce chippendales-faire part de mauvaise augure. Il est tout à la fois porteur d’un message et étiqueté lui-même. Un léger érythème sur son buste et la quarantaine n’est plus alors synonyme de la célébration d’un anniversaire mais d’exclusion, d’isolement, d’observation, où l’ambivalence sémantique nous renvoie vers une certaine fascination du pire.

Depuis 1993, Natacha Lesueur emploie le corps comme une surface d’inscription, un support plus ou moins régulier pour les préparations culinaires ou les empreintes qu’elle y dépose. Objet de convoitise, ce corps a été soumis dans différentes séries d’images à différents traitements qui relèvent à la fois de la contrainte, de la mise en scène, du masque (entre parure et camouflage). Dans les séries « des motards » et « des dormeurs » la référence au portrait est centrale mais toujours malmenée : la face reléguée au statut de présentoir d’écriture de pâtisserie ou d’empreintes de plumes. Les hommes que Natacha Lesueur photographie se dérobent sous divers paravents ; leur fragilité n’en est que plus palpable.

L’univers de Marie-Eve Mestre tient davantage du laboratoire expérimental, silhouettes humanoïdes stupéfiées sous des glacis de paraffine luminescente, vitrines proposant une large gamme d’onguents, élixirs, potions et autres formules occultes, laissant présager de sombres desseins. Le masque de la beauté est passé au vitriol et nous nous retrouvons bien loin du « Miroir, miroir magique, dis-moi qui est la plus belle ? » des contes de fées. Un large travail sur papier, de collages créés à partir de livres issus de l’illustration enfantine (Martine de Marlier) viennent compléter le champ « des expériences d’hybridation végétalo-humaine » pour donner naissance à des compositions où les visages poupins empruntent les traits de petits Frankensteins en devenir et nous renvois aux polémiques contemporaines liées aux manipulations esthétiques et génétiques.

Les créations de Bruno Pelassy sont toutes de strass et de paillettes vêtues, une certaine idée de la préciosité, du faste, du baroque à la limite de la décadence. Vers 1990, il commence à confectionner des bijoux, puis empruntant au registre du sacré, il en vient à confectionner d’impossibles parures magnifiquement entrelacées de perles de verre et de cristal, exposées dans des reliquaires. Dès 1994, il s’intéresse aux petits mécanismes électroniques pour constituer un étrange univers animé, peuplé de « Bestioles » dérangeantes. Hurlantes ou geignardes, celles-ci dissimulent leurs malformations ou leur mal-être sous d’amusants et rassurants atours : douceur des fourrures dont elles sont souvent parées, couleurs vives, élégance des lignes ou rondeur des formes. Leurs mouvements sont vains et tragiques, leurs cris, stimulés par le spectateur, cocasses et décalés. Puis ce sont des « Créatures », qui à partir de 2001 s’exhibent en aquarium, gracieuses formes organiques constituées de soie, perles et silicone, « comme de petites Esther Williams post-atomiques » (Eric Troncy).

Nous vous invitons à pénétrer l’univers de Quarantaine, véritable cabinet de curiosités revisité, à mi-chemin entre séduction (malsaine ?), fantasmes du corps et de ses ornements, un monde onirique, où l’alchimie et les manipulations génétiques fictives ou surréalistes nous laisse en présence de créatures hybrides.

Posté le 27 janvier 2007