Toulon, Photographies signées Lin Delpierre

C’est bien en marchant qu’on découvre, expérimente, mémorise, intériorise une ville. C’est bien en observant les habitants, leur corps vivant, marchant, errant. Lin Delpierre, urbi-trotter-photographe, avait déjà arpenté Kyoto, Bénarès, Berlin , Londres, Barcelone ou Saint-Pétersbourg, il en avait rapporté ce qu’il appelle les "urbaines", photographies de passantes, dans leur cadre totalement urbain. Photographies souvent assemblées en triptyques, ou polyptyques, ces assemblages qui introduisent le facteur temps mouvement et racontent une histoire.

L’association de photographes Minos a invité Lin Delpierre à explorer de son oeil subtil et sincère la ville de Toulon, cette ville que la France ne connaît que par le Charles De Gaulle... et les chantiers navals de l’armée. Carte blanche donc. Le temps d’un été. Loin des clichés habituels des beaux quartiers, du marché grouillant ou des places ensoleillées, des rues déglinguées ou de port-bateaux-marins, Lin Delpierre reprend son thème préféré de la ville figurée par la femme. Femme marchant, femme flânant, femme mère, femme achetant, femme dansant, femme parlant. C’est avec délicatesse, finesse et tendresse que Lin Delpierre porte son regard sur la citadine. Lumière douce, souvent apaisée par un jeu de vitre ou de miroir, profondeur de champ courte, jeux de flous, plans entrelacés, objets ou parties de corps posés là, sans lien évident. Instantanés, miracles, vus, saisis au vol, après une longue attente. Attitude du guetteur qui traque l’improbable. Question de patience.

Au premier abord, l’image pourrait sembler banale, vue et revue. Eh bien non, à condition de s’attarder un peu devant chaque groupe d’images, on obtient la récompense. Car chez Lin Delpierre, l’image se mérite, elle ne se laisse dévoiler ni rapidement ni facilement., il nous mène à petit pas vers son intériorisation de la ville : juste une étudiante au portable pour dire que nos toulonnaises aiment la tchatche, juste une mère qui se penche sur son enfant pour dire que le Méditerranéen aime ses enfants, juste une allusion au cours Lafayette pour dire l’importance de son marché provençal, juste un chiche-kebab et la chéchia d’un homme vu de dos pour dire que Toulon est multiraciale, juste un sourire mélancolique pour dire le romantisme caché de la ville, juste un rayon de soleil sur la nuque d’une femme pour dire que l’ombre est précieuse dans cette ville de soleil ; juste un bal du quatorze juillet sous l’averse et sous le dos de Cuverville (!) pour dire qu’on fait la fête dehors, toujours ; juste quelques images vues du Faron ou du pont Eiffel pour dire que Toulon est un port, un peu rouillé, coincé entre mont et mer, obligé de se s’ouvrir sur l’aventure maritime, question de survie. Et petit à petit, chaque image dévoile son secret, la beauté des images contribuant pour sa large part au plaisir. Et on a un peu de mal à s’arracher de ce lieu magique.

C’est jusqu’au 20 décembre, dépêchez-vous.

C’est la seconde exposition proposée par la Maison de la photographie, la programmation en a été faite par l’association Minos, photographies en Méditerranée, qui oeuvre depuis des années à la promotion et la divulgation de l’art photographique. L’Association programmera ainsi, en alternance avec le service des Affaires Culturelles de la ville de Toulon, 5 expositions par an.

La prochaine exposition nous donnera à voir une sélection du riche fonds photographique du Musée des Arts :Victor Burgin, bien connu pour ses images plasticiennes qui "racontent" une idée, et François Hers, un des fondateurs de l’agence Viva, dont le but était de diffuser une photographie d’information attentive aux problèmes du quotidien. De concert avec ces expositions, de nombreux ateliers pédagogiques, stages, interventions, mini-festivals sont ou seront organisés. Une grande chance pour Toulon et sa région.

Posté le 10 décembre 2002