Gérard Titus-Carmel, à la Villa Tamaris

Infatigable, Gérard Titus-Carmel écrit, dessine, grave, peint, découpe, ré-assemble, incruste, maroufle, il ne s’arrête pas, d’une série à l’autre : premiers dessins des années 1960 - illustrations de ses poèmes et textes - dessins très précis de boîtes, noeuds et cordelettes des années 70 (Déambulatoires, Narwa) - séries d’aquarelles et encres (Carapaçons, Eclats, Casque de Nikko, Nuits, Saisons) - grands papiers peints, découpés, puis recomposés et marouflés, des années 90 à aujourd’hui (Forêts, Nielle, Sables, Quartiers d’hiver, Memento Mori) - et, toujours, écriture de poèmes, récits, textes divers sur l’art et sur sa propre démarche (Travaux de fouille et d’oubli, La Rive en effet).

D’une fièvre l’autre, Titus-Carmel ne s’arrête jamais jamais. Son parcours si riche, si sinueux, s’apparente à une esperluette [*] qui se déroule, se noue et se dénoue dans le temps, sous nos yeux, et qui, pourtant, par ses boucles, revient sur elle-même. Ou à un ruban de Möbius, qui, magiquement, fond en une seule face l’envers et l’endroit (comme son nom propre, d’ailleurs, porteur de paradoxe).

Les titres que l’artiste donne à ses séries nous suggère le sens caché des peintures construites à grands coups de brosse et de couleurs, puis dé-construites, puis re-construites par assemblage, superposition, incrustation, marouflage. Divers instants, diverses émotions, divers sens fondus en un seul tableau. Palimpsestes qui contiennent en filigrane tout aussi bien la force de l’élan vital, la douleur de la perte, le mystère de la mort ou l’interrogation du sage.

Oeuvre emblématique, la série intitulée "Nielles" nous évoque immédiatement les stations d’un chemin de croix. Le torse étiré d’un homme nous apparaît dans la lecture des traits de pinceaux noirs, vigoureux et sans faille, tels les caractères d’une calligraphie sacrée. Non sans rappeler le torse du Christ du retable d’Issenheim et la vigueur des branches d’un arbre. Par le truchement des incrustations, des juxtapositions et des transparences, chaque composition comporte en elle-même plusieurs pauses, plusieurs poses, plusieurs écartèlements décalés mais reliés entre eux par le masque et la continuité des lignes. Une magnifique oeuvre expressive et émouvante, remplie du secret de la vie et de la mort. Et l’esperluette* est bien là pour relier l’arborescence des torses et l’arborescence végétale...

"N’accorder le moindre crédit à ce qui s’exhibe. A l’opposé goûter les délices déplacés de la peinture, de la poésie et de la musique qui ont l’élégance d’aller se faire voir (et entendre) ailleurs ; dans un décalage, dans un perpétuel différé", Gérard Titus-Carmel.

[*esperluette désigne le e commercial (&). Titus-Carmel le prend lui-même comme emblème de son parcours qui finit, après des boucles, par se rejoindre lui-même. Tel un lien qui se noue et se dénoue.

Posté le 5 février 2002

Superbe exposition @@@@@, à voir, méditer, revoir.
accrochage @@@. J’aurais vraiment aimé revoir des dessins des années 70...
Je pense en effet qu’un lieu aussi immense et fastueux se prêterait bien à de vraies rétrospectives de l’artiste exposé, d’audience nationale, et non à une sorte de catalogue des oeuvres récentes. Je dis cela, parce que bien souvent j’ai l’impression, au sortir de ces expositions, d’un trop-plein..., d’un trop vu de la même chose. Ou bien l’accrochage est-il trop dense ? Ceci est valable pour toutes les expositions en général.
Un très beau livre @@@@, grand format, contenant textes et reproductions de peintures de Gérard Titus-Carmel a été édité par laVilla Tamaris et est en vente à l’accueil.