"3 artistes", exposition à la galerie Sabine Puget : Daphné Corregan, Stéphanie Ferrat, Alexandre Rochegaussen

Jusqu’au 18 septembre, Fox-Amphoux

Comme chaque été, la galerie Sabine Puget nous ouvre ses portes. Cette année, les céramiques de Daphné Corrégan, les carnets de dessins de Stéphanie Ferrat et les photographies et dessins de Rochegaussen sont à l’honneur dans ce merveilleux cadre foxois. TROIS artistes donc, dans trois espaces de la galerie. A découvrir ou redécouvrir, prendre son temps, passer de l’un à l’autre, si différents et si semblables pourtant dans leur recherche de compréhension d’un monde si polymorphe.

Laissons parler Sabine Puget :

"J’aime leur travail, ils aiment la galerie, ils vivent en Provence.

  • Trois raisons de les présenter dans les trois espaces de la galerie.
  • Trois parcours tout en contrastes pour se réjouir que l’art nous surprennne, nous interroge et nous ouvre de nouveaux territoires. "

Extraits des textes signés Sabine Puget :

"Terres mêlées" de Daphné Corregan *

« Je me cache derrière le beau, il rend les choses moins effrayantes. »
Déclaration étonnante pour une artiste contemporaine ! La tendance actuelle est plutôt de se cacher derrière le laid. La beauté n’a pas bonne presse, notre époque ne l’épargne ni ne la privilégie !
Cependant certains(es) résistent, Daphné Corregan est de celles-là menant sa recherche dans l’immobile et le silencieux d’objets qui pour être familiers n’en sont pas moins hors du commun...

... Rien dans l’art de Daphné Corregan n’est arbitraire, l’observation n’est jamais loin de l’imaginaire et si ses nuages semblent sortis d’un rêve d’enfant, leur blancheur mate est presqu’humide. Ils passent sous un crâne pour ressortir cerveaux et ils enflent de toutes les pensées contenues. Les têtes petites et jumelles sinon siamoises peuvent se séparer et grandir jusqu’à sembler détachées d’une statue colossale qui de ses yeux fixes regardent vers un horizon sans limite. Les unes et les autres ne sont pas personnifiées, ce sont les variations sur un même genre, des objets parmi les objets, qu’ils soient contenants, maisons, espaces ou têtes.
Daphné Corregan les décline dans tous leurs états et les pose simplement aux murs, au sol, sur des tables ou des socles comme des offrandes sur les marches du temps.


"Les (petites) chroniques" de Stéphanie Ferrat

Essayer de comprendre, d’abord avec l’écriture « à cause de la parole avalée  », puis avec la peinture pour tenter de pénétrer le sens « du fracas »...

... Son atelier, un grand tunnel lumineux glacial l’hiver et bouillant l’été, recueille les trois fois rien ramassés au cours de ses baguenaudes à travers champs, forêts et montagnettes alentour. Ne la guide que son attention à l’apparente insignifiance. Elle s’arrête lorsque la rencontre fait signe.
La récolte rejoint l’atelier où se loge un petit peuple industrieux d’insectes et autres bourdonnants et affairés. Aucun préjugé ne règne ici, pas d’utiles et d’inutiles, ni d’inoffensifs ou de dangereux, pas de beaux ni de laids, ils se mêlent naturellement à l’oeuvre entrain de se faire, à la réalité des jours, à son évolution, à ses cycles. La peinture et les mots s’en nourriront dans l’émerveillement de s’être mise au centre de « vies minuscules » et de pouvoir ainsi en capter le sens dans l’infime...

... Par l’empreinte et l’échange entre le support de feuilles de plastique et le papier Japon se posent les matières dans la matière sans en être transformées ou dénaturées. La forme s’organise alors comme une enveloppe autour de la graine, se remplit d’air pour laisser place et respiration à l’éclat jaune d’une peau végétale, aux réseaux d’une toile d’araignée, à l’imagination d’une graminée...

... Par son travail Stéphanie Ferrat nous ouvre à la richesse infinie du chuchotement, du bruissement, du suggéré. Rien se s’impose mais tout se découvre et donne à voir ce qui sans elle ne nous serait jamais parvenu.


"Sarabandes", de Rochegaussen

Que dire de cette rencontre avec un monde incroyablement fantasque qui vous saute véritablement à la figure, car il danse, s’agite, hurle, dévore en écarquillant des yeux hallucinés devant la réalité d’être au monde ?
Que si on y met le pied on ne peut s’en échapper et on se voit dévaler un escalier sans fin peuplé de songes animés d’une nature devenue folle ! des yeux partout grands ouverts mais aussi des gueules béantes armées de dents acérées prêtes à tout, jetés sur le papier au feutre, à la craie, au crayon, à l’encre et poussés par une urgence que rien ne saurait arrêter...

... Rochegaussen, sans contrainte, avec une énergie sauvage donne forme et chair à ses cauchemars les plus récurrents. Il les prend à bras le corps non sans tendresse parfois, pour leur faire rendre gorge avant d’en être lui-même dévoré. En quelque sorte, il sauve sa peau.
Les titres aussi en disent long : les jours s’en vont, l’hiver vient, mille chemins ouverts, le bec dans l’eau, atac, fabuloserie, café Muller…
De tout cela on ne peut que se réjouir, car nous aimons avoir peur si le danger n’est pas immédiatement menaçant…Et pourtant, dessin après dessin Rochegaussen nous invite à danser avec la mort, la nôtre et celle des autres dans une sarabande éperdue, retrouvant la transe de celles peintes au Moyen Age sur les murs des églises...

... Alexandre Rochegaussen est aussi photographe, photographe de lui–même surtout en se mettant en scène dans son univers familier et fantasmatique à la fois.

Sabine Puget, 2016


Galerie Sabine Puget
Château Barras
83670 FOX-AMPHOUX
du jeudi au dimanche de 16h à 19h et sur rendez-vous
06 16 01 54 58
www.galeriesabinepuget.com


* Photographies et textes sur les oeuvres de Daphné Corrégan également visibles dans le superbe livre sur "la Tête", éditions ARgile, consultable et en vente à la galerie Format, Fox-Amphoux vieux village, jeudi, vendredi samedi dimanche de 15 à 19h et sur rendez vous au 06 26 59 19 57


MFLP

Posté le 8 août 2016