Par Lilyane ROSE
Hôtel des arts,
4 juillet - 27 septembre 2015
Faisant suite à l’exposition MAPPAMUNDI (1) qui abordait la création du monde à travers les codes détournés de la cartographie, VILLISSIMA ! rassemble des œuvres d’artistes qui parlent de la ville de façons inattendues et dans des techniques extrêmement diverses (du croquis à la vidéo, de la maquette à l’installation entre autres).
VILLISSIMA ! Cela sonne comme un cri de fête ou de surprise, genre Bellissima ! Une joyeuse injonction à aller de l’avant dans les paillettes et les confettis. Promesse tenue. Et pourtant le sujet est sérieux mais, abordé avec légèreté, il laisse la place pour tout un chacun, petits et grands, de lire à sa façon, d’adhérer ou de jeter les propositions des artistes, étonnantes, poétiques souvent, mais toujours pertinentes et rigoureuses. Une occasion à ne pas manquer de réjouir l’œil et l’esprit, de se laisser subtilement conduire vers l’art contemporain.
Pas de gravité dans cette exposition ? Peut-être…
D’abord se laisser aller à la retombée en enfance ; se souvenir de l’émerveillement simple au jaillissement des formes et des volumes à l’ouverture d’un livre à système, comme ce pop-up géant (2) qui nous accueille, moins innocemment qu’il n’y paraît ; ou encore avec l’animation des vidéos du premier étage (3) (à ne surtout pas zapper), et prolonger le plaisir avec les fragiles découpages dans du papier journal d’une petite ville fantôme d’un jeu de "Monopoly" (4). Ne pas résister non plus aux délices régressives de plonger dans les "maquettes" des cités exotiques et colorées, en carton et plastique, (5) ou plus rudimentaires et minimalistes (6).
BODY ISEK KINGELEZ La ville de tous les savoirs (la ville des médicaments), 2003 - 90 x 250 x 205 cm Collection Agnès b..jpg
Croire encore qu’on peut dominer le monde. Il y aura bien alors un "grand" pour nous faire remarquer que les bâtiments sont en fait des boîtes de médicaments, et pas n’importe lesquels ; que les modèles réduits en carton (7) qui dansent, comiquement, portés à bout de bras par l’artiste au pied des originaux, bousculent, sans percevoir vraiment en quoi, nos certitudes sur les choses établies ; et peut-être aussi serons-nous perturbés dans notre rapport à l’échelle par les beaux "Legos" de briques et de parpaing, empilés pour former d’étranges immeubles vides à jamais de leurs habitants (8).
Ces artistes répondent à la démesure de la ville en la mettant à portée de la main. En jouant avec la lecture planifiée de ces puzzles géants, l’accumulation, la fragmentation, le caché et le montré, ils mettent à l’épreuve le lisible et l’illisible et nous conduisent à une réflexion, et pourquoi pas, un choix sur l’ordre et le chaos. Que devient l’espace contenu dans ma boîte de puzzle lorsque tous les éléments ont trouvé leur place et, comme on le voit parfois, sont à jamais fixés sur une planche de bois ?
Mais il ne faut pas compter sur eux pour nous donner des réponses péremptoires et toutes faites ; ils feront tout simplement vaciller nos certitudes, et le choix sera peut-être impossible ou inattendu (9) (10) (11).
Garder son regard et son âme d’enfant, se souvenir que pour échapper à la réalité ou la transformer, on se racontait des histoires, et se laisser embarquer dans les propositions "narratives" ou énigmatiques d’artistes qui voient dans la ville de gigantesques pages d’écriture ou des cases de BD à remplir (12) (13). Se réfugier dans le capharnaüm traditionnel et populaire d’un kiosque de Toulon (14), lieu de flânerie, de liberté et d’évasion par les images et les textes. Surtout prendre son temps et se laisser bluffer.
Lorsque vous sortirez de l’Hôtel des Arts, fermez les yeux - juste un instant - pour écouter et sentir la ville dont nous faisons partie. Parfois, le regard artistique est contagieux - qui a dit que "l’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art" ? -.
Lilyane ROSE
A signaler l’excellent catalogue/essai de l’exposition - 26€ aux Editions Parenthèses. On y trouve bien entendu des renseignements sur les artistes et les œuvres exposées, mais surtout un approfondissement de la problématique de la représentation de la ville, dans les arts plastiques, mais aussi en littérature, philosophie, sociologie.
(1) MAPPAMUNDI, Art et cartographie – 2013. Hôtel des Arts – Commissariat : Guillaume MONSAINGEON.
(2) UG (Philippe HUGER) : Növopolis – 2015. Exemplaire tiré en sérigraphie.
(3) Rob CARTER : Sun City – 2013. Vidéo 8’29".
(4) Pat SHANNON : Open House – 2008. Papier journal.
(5) Bodys Isek KINGELEZ : Médicament city – 2003.
(6)
(7) Jordi COLOMER : Anarchitekton. Barcelona – 2002. Vidéos, maquettes.
(8) Tony CRAGG : Three Modern Building – 1984.
(9) Armelle CARON : Venise/Venise rangée – 2005.
(10) Nigel PEAKE : Réflection – 2012. Farades – 2012.
(11) Et beaucoup d’autres.
(12) Greg SHAW : Travelling Square Districte – 2010.
(13) Mazen KERBAJ : Lettre à ma mère – 2010.
(14) Francesc RUIZ : Les Kiosques de Toulon – 2015. Installations pour l’Hôtel des Arts.
Et, n’oublions pas le plus important : les artistes eux-même
Nicolas Aiello
Brian Alfred
Philippe Apeloig
Renaud Auguste-Dormeuil
Neal Beggs
Mohamed Bourouissa
Andrea Branzi
Armelle Caron
Thierry Cohen
Jordi Colomer
Tony Cragg
Alain Declercq
Joana Hadjithomas & Khalil Joreige
Mazen Kerbaj
Bodys Isek Kingelez
Rem Koolhaas
Julia Montilla
Rajak Ohanian
Nigel Peake
Mathieu Pernot
Francesco Pignatelli
Francesc Ruiz
Patricia Shannon
Greg Shaw
Alexey Titarenko
UG (Philippe Huger)
Hema Upadhyay
Chris Ware
Mehdi Zannad
et les vidéos de
Marie Bovo
Rob Carter
Claire & Max
Sylvie Denet
Hendrick Dusollier
Doron Golan
H5 (François alaux, Hervé de Crécy, Ludovic Houplain)
Lucie & Simon
Marc Mercier
Clément Morin
mise en page MFLP