Mouvements de fonds, acquisitions 2002 du FNAC à Marseille

une occasion pour se poser de nombreuses questions

Paradoxe : je suis sortie de là très en colère, et pourtant, je vous conseille vivement d’aller voir cette exposition... en faisant abstraction des lignes qui suivent et qui sont plus un début de réflexion et un questionnement sur le fonctionnement des institutions qu’une critique sur les oeuvres présentées.

SUR LA FORME :

  • Premier point : à la Vieille Charité, l’accrochage est bizarre et suit je ne sais quelle logique. Entre autres, se faire « dialoguer » un cercle de Mosset sur le mur avec une oeuvre sur le sol de Bertrand Lavier comportant un demi-cercle, c’est, à mon sens, entraîner une confusion visuelle grave, faire un contre-sens et piéger le spectateur.
  • Deuxième point, et c’est souvent comme ça, c’est un manque de respect pour le spectateur que de montrer des projections vidéo ou photo qui durent des dizaines de minutes, voire une heure (Bruce Nauman au MAC), sans lui offrir de quoi s’asseoir autrement que par terre.
  • Troisième point, cela est un manque d’observation des consignes de sécurité que de présenter des vidéos dans un endroit totalement obscur, sans poser quelques jalons lumineux pour que le spectateur ne se casse pas la figure et ne panique pas. Ce qui est valable dans l’industrie ou les salles de cinéma ne l’est-il pas pour l’art contemporain ? L’art ou l’artiste seraient-ils au-dessus des lois ? Flagrant aussi pour une installation de Gonzalez-Foerster à la Biennale de Lyon 2003.
  • Quatrième point : le contribuable moyen n’est pas sensé comprendre l’anglais, et on lui achète des oeuvres (vidéo ou autres) conceptuelles dont il ne peut pas comprendre le concept... En France, la loi veut que toute notice ou mode-d’emploi soient traduits, l’art est-il là aussi au-dessus des règles, au risque de se voir qualifié d’élitiste et de destiné aux seuls anglophones ?
  • Cinquième point, sur l’ensemble des oeuvres présentées, cinq ne « fonctionnaient » pas, (deux à la vieille charité, trois au mac). Lorsqu’on montre des oeuvres contemporaines à composante technique (moteurs, vidéos, projections, sons, etc), on doit s’assurer que la maintenance suit, même le dimanche, sinon cela n’a pas de sens... On vérifie aussi que les oeuvres sonores sont audibles.
    A se demander si nos commis de l’Etat n’auraient pas inconsciemment un certain mépris pour le public et pour les artistes ?

SUR LE FOND :

Sur la qualité des oeuvres exposées, je ne porterai aucun jugement, car je sais qu’en matière d’art contemporain ou d’art en général, il faut suffisamment de recul (cinquante ans semble un minimum), pour pouvoir distinguer l’ivraie du bon grain, et il est admis que seuls 5% des artistes passeront à la postérité... Alors je ne me risquerais pas à dire quels seront les 2 élus sur les quarante artistes exposés, même si j’ai mon idée perso...(que je peux donner confidentiellement par email).
Par contre, je critique vivement l’achat scandaleux de photographies de Santiago Sierra, un artiste qui drogue ses sujets et les photographie. L’artiste peut-il se croire tout permis du fait qu’il fait de l’art ? Les institutions doivent-elles soutenir n’importe qui ou quoi ? Se donnent-elles une éthique ? Laquelle ?

Je constate que tous les médiums ou presque sont présentés : photographie, dessins, peinture, installation, vidéo, sculptures, environnements, dispositifs, et...vitrail, et ça, c’est vraiment bien.

Par contre, je constate que sur 40 artistes, seules 7 femmes figurent. Ce qui me fait dire que les institutions font encore aujourd’hui de la discrimination négative et sexiste.
En 2001, sur 274 artistes achetés, 102 étaient français, en 2002, sur les 40 artistes présentés aujourd’hui, 11 vivent à Paris ou région parisienne, 1 à Nice, 10 aux USA, aucun dans un pays émergent. S’agit-il d’une tendance générale pour toutes nos institutions de faire appel à des artistes de galeries étrangères ? J’en ai un peu peur, à entendre galeristes et professionnels de l’art, alors je pose la question suivante : les pays étrangers accordent-ils la même importance à nos artistes ?

  • Si oui, alors tout va bien, c’est qu’il y a retour d’ascenseur et que nos institutions font leur boulot de promouvoir nos artistes à l’étranger par de fructueux échanges.
  • Si non, deux explications possibles :
    _ ou bien nos artistes sont nuls, ce qui après tout est possible, (personnellement, je suis sure du contraire), et alors se pose la question de la qualité de l’enseignement de l’art... ou d’un essoufflement de la créativité ;
    _ ou bien nos artistes sont méconnus. Pourquoi ? parce que nos institutions (fracs, centres d’art, commissariats d’expo., musées) ne font pas l’effort d’aller les chercher ? Et alors se pose la question de savoir quelle est la mission de tous ces gens : encourager la jeune création française ou se constituer un fonds muséal en allant chercher frileusement des valeurs déjà reconnues ailleurs et se constituer ainsi une carte de visite à l’étranger ? Servir des intérêts de politique étrangère ou profiter de la baisse du dollar ? Il est vrai qu’il est plus attirant de visiter un atelier à New-York ou une biennale à Venise qu’un atelier-garage d’un jeune talent de Trifouillis sur Oies ? (Bien que, si prendre l’avion présente un certain risque, on verra peut-être un renversement de tendance...). Comment se fait le choix des oeuvres dans ces institutions ? Pourquoi ne pas afficher les prix d’acquisition ? On aimerait plus de transparence.

Puisque tout cela m’est obscur, je manifeste ici le désir de faire partie d’un comité d’achat, quelqu’il soit (Frac, Fnac, Insitution régionale ou locale, etc), que dois-je faire ? M’inscrire à un parti, avoir fait une thèse sur l’art ? Connaître des gens haut-placés ? faire partie d’un réseau de l’art ? Comment y rentrer ? Ou puis-je être modeste citoyenne amoureuse d’art contemporain ?
La commission d’achat du FNAC se compose de 4 représentants de l’Administration, deux artistes et 7 personnalités. Qui sont-elles ?

Pour vous faire votre propre opinion et la répercuter auprès de vos élus, contents ou pas contents, allez voir sans faute cette double expo. Elle a l’immense mérite de montrer enfin une volonté de décentralisation et peut-être d’un début de transparence. Vous pouvez aussi aller voir le site du FNAC. Sachez tout de même que le FNAC dépense plus de 3 millions d’euros chaque année, qu’en 2002, il a acheté les oeuvre de 95 artistes et qu’il détient aujourd’hui dans ses réserves situées à la Defense 70 000 oeuvres. Alors, artistes PACA, statistiquement, vous avez une chance un jour d’être acheté par le FNAC ! Espérons aussi qu’un jour, le Musée de Toulon se verra prêter quelques oeuvres pour faire sortir des oubliettes son propre fonds d’art contemporain..., qui, à ce qu’il paraît, est très riche.

Aujourd’hui, vous n’aurez pas d’insertion de reproductions d’oeuvres : les « grands » artistes sont devenus beaucoup trop chatouilleux sur le droit à l’image, interdiction de photographier, interdiction de toucher, interdiction de ceci-cela, tant pis pour eux. Catalogue bien fait et pas trop cher.

Je vous conseille de relire dans la rubrique « actus art » les articles intitulés « au fait, c’est quoi l’art contemporain » N° 1,2,3,4, le débat reste ouvert et je vais bientôt revenir dessus.

* FNAC : Fonds National d’Art Contemporain, fondé en 1976, mais dont le fonds a pris naissance en 1791 !
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Posté le 8 janvier 2004

@@@ : Expo incontournable, il faut y aller, pour vous faire votre opinion. Mac et Vieille Charité, jusqu’au 8 février. Visites guidées sympas.