Situation de l’art français sur la scène internationale - Débat

Dans le cadre d’ « ART DEALER », le huitième Salon International d’Art Contemporain organisé par la galerie PAILHAS de Marseille, huit galeries venues de France et d’ailleurs présentaient le travail de leurs jeunes artistes. Eric TRONCY, codirecteur du Consortium de Dijon, critique d’art, avait été invité pour en faire la sélection.

A l’issue de ce salon, un débat sur la situation de l’art français sur la scène internationale, sujet brûlant s’il en est, réunissait un large public de collectionneurs, galeries, mécènes et personnes passionnées d’art. Le débat était animé par Eric Troncy, le commissaire du salon.

Très vite s’affrontaient deux opinions : celle, optimiste, d’Eric Troncy que je qualifierais d’ « institutionnelle », qui consiste à dire que le sujet ne le concerne pas, puisque ses choix ne peuvent tenir compte ni de la nationalité de l’artiste, ni de son âge, ni du medium utilisé, ni d’ailleurs du marché ou du prix, qui lui sont totalement étrangers. Par contre, les choix de tout conservateur, quel qu’il soit, doivent être faits selon des critères qu’il qualifie de « scientifiques », et seuls des professionnels de l’art, véritables experts, sont aptes et qualifiés. Le public n’a pas à intervenir, en aucun cas. Satisfait de la situation actuelle, il cite les quatre artistes français qui ont une audience internationale : Huygue, Gonzales-Forster, Veilhan et Parreno, et le sociologue Bourdieu qui a marqué toute une génération. En passant, il fustige les journalistes qui ignorent l’art contemporain, critique Art Press , Métropolis, Le Monde, et, en général, la communication autour de l’art contemporain.

La seconde opinion, que je qualifierais de « pragmatique », défendue avec passion par le commissaire-priseur Maître Pierre Cornette de Saint Cyr, consiste à dire que nos créateurs sont totalement inexistants ou méconnus sur la scène internationale, avec pour preuve les tristes scores qu’y font les ventes aux enchères de nos meilleurs artistes (10 000 $ pour un Buren !). Choqué, il en accuse « l’état » qui, à travers les conservateurs de musées, les FRAC et les diverses institutions, « ne fait pas son boulot » en allant chercher les artistes à l’étranger plutôt que dans les ateliers d’ici. Contrairement à nous, les pays étrangers, eux, savent exporter leurs artistes et les promouvoir. La presse également ne fait pas son travail, en ignorant, voire « flinguant » nos créateurs. Si les 4 artistes cités sont sur la scène internationale, ils ne le doivent qu’à eux-mêmes. Et de conclure :« On est qui au yeux du monde ? on a les créateurs, mais on n’a personne pour les soutenir. Il faut se remettre en question ». Une personne prendra la parole pour dénoncer notre système « étatique » et une « soviétisation de l’art français ».

Quelques collectionneurs étrangers interviennent : « Ce qui m’importe, c’est la qualité du travail ». Un autre dira que « l’art français » est trop intellectuel, un autre que nous avons de mauvais professeurs dans nos écoles d’art, contrairement à la Suisse qui fait appel aux meilleurs artistes internationaux, un autre dira : « Mais montrez vos artistes, on ne les voit nulle part, on ne les connaît pas ! ».

Dans ce tableau plutôt sombre, une réelle lueur d’espoir : pour défendre notre « french touch », des mécènes, des associations, des passionnés se mobilisent. La jeune association « Mécènes du Sud » qui rassemble huit entreprises de Marseille a pour projet de promouvoir de jeunes artistes de la région. On citera aussi les exemples des grands mécènes Bernard Arnauld et François Pinault qui engagent leur fondation à soutenir les artistes français. Et pour conclure, la Directrice du MAC de Marseille se déclarera désireuse d’instituer une collaboration entre les deux mondes privé et public, hors de tout corporatisme. Voilà de quoi redonner un peu de baume au cœur des artistes, les grands absents ou les grands muets de ce débat !...

Merci au galeriste Roger Pailhas d’avoir catalysé des échanges constructifs malgré un sujet bien difficile. Merci d’organiser Art Dealer, le seul salon d’art contemporain digne de ce nom dans notre région. A l’année prochaine, avec le salon in à la galerie Pailhas et le salon off avec les galeries partenaires. Nous vous en reparlerons dans ces colonnes, si les petits cochons de Patricia Piccinini ne me mangent pas.

Si vous désirez avoir l’opinion d’une modeste journaliste passionnée depuis longtemps par le sujet, vous pouvez vous reporter aux articles de http://www.yaquoi.com, rubrique « actus arts » : « Mouvements de fonds, acquisitions 2002 du FNAC à Marseille - une occasion pour se poser de nombreuses questions », et « Au fait, c’est quoi l’art contemporain », n°1,2,3 et 4, avec une bibliographie dans le numéro 3. Et, n’en déplaise à M. Troncy, j’ajouterais que l’état, c’est nous tous, et qu’il doit se porter responsable et garant devant le contribuable du bon usage de l’argent mis à sa disposition ! Et c’est bien là que le public peut intervenir. Heureusement, les personnes désireuses de promouvoir nos artistes ne manquent pas. Les artistes non plus d’ailleurs. Et alors une autre question se pose, qui pourrait donner lieu à un autre débat encore plus passionné et passionnant : existe-t-il une limite « à la volonté de chacun d’être un artiste reconnu et protégé comme tel par la société ? ». Existe-t-il encore une limite à l’art ? Tout est-il art ? Questions que plus personne n’ose poser en France, depuis la naissance d’une vulgate duchampienne omniprésente dans notre pensée artistiquement correcte qui arrange finalement bon nombre « d’artistes » bien intégrés mais pas toujours talentueux.

Légendes :
« Bush oil shame », installation de Jota Castro, à la galerie Kamel Mennour de Paris, sélectionnée par Eric Troncy pour participer à Art Dealer Courtesy Galerie Kamel Mennour

M. Pailhas (à droite sur la photo) invite M. Troncy à ouvrir le débat

Voir aussi

Cherchez aussi sur google : « eric troncy, » , « biennale de lyon » et « le consortium de dijon »

Et, je serais heureuse si vous me donniez votre opinion en répondant à cet article. Vous avez la parole, comme toujours ici.

Posté le 15 juin 2004